Une résistance silencieuse

Le mouvement de constestation sociale des moines birmans ne faiblit pas, au contraire il s’intensifie, mais dans le silence des monastères et des pagodes. C’est une autre phase, physiquement moins violente mais psychiquement plus radicale, qui s’annonce, moins spectaculaire parce qu’elle ne se déroule pas dans la rue, dans le bruit et la fureur des foules malmenées.

 

Pour une fois, les bouddhistes du monde entier ont participé à ce mouvement. La solidarité des bouddhistes s’est d’abord exprimée en Asie même, puisque le Dalaï-lama et nombre d’autres personnalités appartenant aux écoles les plus variées se sont engagés derrière les moines birmans, mais elle s’est aussi exprimée entre les bouddhistes occidentaux et asiatiques.

 

La cause tibétaine a échoué en plusieurs décennies à faire ce que la cause birmane vient de réussir en quelques semaines : polariser les consciences des bouddhistes, toutes écoles confondues, derrière une «cause».

 

Ainsi en Birmanie, la guerre civile pourrait se poursuivre en silence, par le refus des offrandes venant des militaires et de leurs familles, par exemple. Les militaires de base ont une famille qui est en général proche des moines de base, une famille dont ils ne peuvent pas se passer dans le contexte de la culture birmane, et qui, dans ce cas, pourrait faire pression, voire rejeter le fils, le cousin, le mari, le neveu militaire, tenu pour responsable de cette condamnation religieuse à errer dans le «samsara», le monde de la souffrance, en raison d’un cruel manque de ces mérites qui sont obtenus contre les offrandes faites au Sangha.

 

Dans cette situation de désarroi, l’assise de l’armée se trouverait dangereusement ébranlée, ce qui est déjà le cas comme nous l’apprend le témoignage recueilli hier d’un jeune religieux récemment relâché, dans lequel celui-ci raconte que lors de sa détention, certains militaires venaient implorer discrètement le pardon des moines qui venaient d’être battus.

 

Cette situation d’insurrection silencieuse peut devenir intenable pour le pouvoir en place, parce qu’elle est insidieuse, incontrôlable, qu’elle sape les structures même de la hiérarchie militaire et administrative. L’action non-violente bouddhique à la birmane passe forcement par cette stratégie du refus.

 

Les défections, voire les actes de désobéissance ne manqueraient pas de se multiplier dans l’armée si le Sangha en arrivait à tourner ainsi le dos à ces hommes qui, s’ils sont soldats, sont aussi dans leur écrasante majorité de pieux bouddhistes.

 

Au fond, les militaires n’ont peur que de deux choses. D’abord de l’obstination, même silencieuse, surtout silencieuse, des moines, et ensuite des embargos internationaux qui deviennent intolérables dans ce pays littéralement affamé.

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