Titus Burckhardt tirée du Miroir de l’intellect

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Les quatre éléments – terre, eau, air, feu – constituant les modes fondamentaux de la manifestation sensible sont presque partout – excepté dans le monde moderne et rationaliste – empreints d’une pureté inviolable (…)

Quelques remarques s’imposent en ce qui concerne les quatre éléments : ces derniers n’ont évidemment rien à voir avec ce que l’on désigne par le même terme dans la chimie moderne ; comme nous l’avons déjà dit, les « éléments » au sens traditionnel représentent les modes de manifestation sous lesquels la substance dont le monde est créé se communique à nos cinq sens : ce sont respectivement les modes solide, liquide, volatile et igné (…) les quatre éléments sont donc les modes les plus simples dans l’ordre cosmique. Transposés dans le microcosme humain, ils sont aussi l’image la plus simple de notre âme qui, en tant que telle, est insaisissables, mais dont les caractéristiques fondamentales peuvent être comparées aux quatre éléments.

C’est bien dans cette perspective que Saint François d’Assise glorifie Dieu pour les quatre éléments, l’un après l’autre, dans son fameux « Cantique du Soleil ».

En ce qui concerne l’eau, il écrit : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour Sœur Eau, qui est fort utile et humble, et précieuse et chaste » (Laudato si, o Signore, per sor acqua, la quale é molto utile ed umile e preziosa e casta).

On pourrait prendre ce verset pour une simple allégorie poétique, mais en fait le sens en est beaucoup plus profond : l’humilité et la chasteté décrivent la qualité de l’eau, qui, dans une rivière, épouse n’importe quelle forme, sans rien perdre pour autant de sa pureté, Là aussi se trouve une image de l’âme, qui peut recevoir toutes sortes d’impressions et se plier à toutes les formes, tout en demeurant fidèle à son essence propre et indivise. « L’âme humaine ressemble à l’eau », a pu dire Goethe, reprenant ainsi une analogie que l’on rencontre aussi bien dans les Écritures sacrées du Proche-Orient que dans celle de l’Extrême-Orient. L’âme ressemble à l’eau, tout comme l’esprit est comparable au vent ou à l’air (…)

Les mythes selon lesquels toute chose fut créée à partir d’une mer originelle trouvent un écho dans ce verset coranique : «Nous (Dieu) avons créé toute chose vivant à partir de l’eau.» L’allégorie biblique de l’Esprit de Dieu planant sur les eaux trouve son équivalent dans le symbole hindou de Hamsa, le cygne divin qui fait éclore l’œuf d’or du cosmos en nageant sur l’océan primordial. En définitive, chacune de ces représentations allégoriques se retrouve dans le Coran, lorsqu’il est dit qu’au commencement le Trône de Dieu reposait sur les eaux.

La fleur de lotus ouverte, siège des divinités de l’Inde, est elle aussi un « trône de Dieu » flottant sur l’eau de la materia prima, ou sur l’eau des possibilités principielles. Ce symbole, que l’Inde a transmis à la mythologie et à l’art bouddhiques, nous ramène de l’eau en tant qu’image de la substance primordiale du monde, à l’eau en tant que reflet de l’âme. Le lotus du Bouddha ou du Boddhisatwa, en effet, s’élève au dessus des eaux de l’âme, tout comme l’esprit illuminé par la connaissance se libère de l’existence passive. L’eau représente ici quelque chose qui doit être bénéfique, car en elle se trouve enracinée la fleur dont le calice renferme le « précieux joyau » de Boddhi, l’Esprit divin. Le Bouddha est lui-même cet Esprit, étant le « Joyau dans le Lotus » (pp. 46-49)

Une chanson tirée du film François et le chemin du soleil

https://www.youtube.com/watch?v=LSaCtISvoh0