On raconte à un homme que la Vérité existe quelque part. Il commence à la chercher dans le monde entier jusqu’à ce qu’enfin, au bout de bien des années, il arrive dans un lointain village situé au pied d’une montagne.

Les habitants lui disent que la Vérité habite tout au sommet. Il décide aussitôt de se mettre à escalader la montagne. C’est une masse rocheuse couverte de cactus. Les mains blessées, les vêtements déchirés, mort de fatigue, après une ascension extrêmement pénible, il atteint le sommet, où se trouve une caverne. En entrant dans cette obscure profondeur, il voit, s’éclairant d’une bougie, une vieille femme édentée, toute ridée, d’une grande laideur. Le regardant avec ses petits yeux chassieux, la sorcière lui dit :

– C’est moi, la Vérité !

L’homme, dégoûté, lui répond :

– J’ai perdu du temps à te chercher ! C’est stupide d’avoir grimpé jusqu’à cette cime inhospitalière pour voir ta monstruosité ! Adieu, horrible Vérité !

Furieux, il sort de la caverne. Mais ayant fait quelques mètres, il découvre un paysage merveilleux : la montagne a des couleurs sublimes, il y a des fleurs qu’il n’avait pas perçues, des oiseaux, des insectes, des papillons. D’agréables parfums émanent des cactus, les pierres brillent comme des joyaux. Dans la vallée, incroyablement fertile, le village se dresse au milieu d’une paix admirable. Alors il se rend compte que son esprit a changé, car il voit la beauté de toutes parts.

Tandis qu’il descend, en pleine extase, il entend la voix tremblante et éraillée de la vieille :

– Attends ! Je veux te demander une chose !

– Quoi ?

– Quand tu arriveras en bas, dis à tous les habitants que je suis jeune et belle.

Cabaret mystique, Alexandro Jodorowsky

Une chanson de Daniel Lavoie La vérité sur la vérité