Le fil d’Ariane des contes et de l’interprétation

dali1

Il existe sur Terre un lieu secret que nul voyageur ne trouvera en se dirigeant vers l’est, encore moins vers l’ouest, le sud, ou le nord. Il est commun à toute la Terre et à l’Humanité. Seul, un besoin ardent et désintéressé permet de découvrir ce jardin où croissent tous les arbres du monde. Ils sont couverts de fruits aux saveurs oubliées, qui redonnent la mémoire et la jeunesse à ceux qui l’ont perdue. Les jaunes, rouges, bleus, violets, turquoise de toutes les fleurs de la création s’assemblent en tapis chatoyants et parfumés entre les grands troncs élancés, au pied des buissons odorants, au détour des sentiers.

D’une petite éminence au milieu des arbres, on aperçoit quelques dunes de sable d’or. Plus loin, le scintillement éblouissant de la mer laisse entrevoir les êtres étincelants qui la peuplent, et son horizon infini appelle les âmes à s’éveiller.

Au centre coule le clair ruisseau de l’immémoriale parole humaine. Il est né du Mythe de la Lumière que nos ancêtres très lointains ont créé pour ne pas sombrer dans l’ombre grandissante, pour se rappeler leur origine divine. L’eau fraîche et pure de ce ruisseau ne se trouble jamais, car l’éternité est son lit, et seules les paroles nourricières y subsistent.

Sous chaque arbre se trouve un conteur enturbanné, emplumé, chapeauté, jeune ou vieux, parfois édenté. Ils ont en commun les yeux brillants des merveilles que leur voix déroule.

Il est aussi des endroits plus sombres, venteux et inquiétants, où sont racontés les grands tourments et les abysses de l’âme. Leurs conteurs ont la vocation des grands tragédiens antiques : purifier l’âme et le coeur des auditeurs par la contemplation de toutes les passions humaines.

Sous un chêne majestueux se tiennent Jakob et Wilhelm Grimm avec leurs recueils de contes, leur dictionnaire de la langue allemande. Ils sont entourés de ceux qui leur ont confié leur savoir oral traditionnel.

Un chemin perdu mène à la cabane d’une femme et de son mari.

Leur dénuement était grand et tous les soirs, l’homme battait sa compagne. Un jour, une nouvelle vie fit son apparition dans les entrailles de la femme. Une grande fierté emplit son coeur, et lorsque l’homme revint, elle se mit à lui raconter quelque chose encore… et encore, et encore, jusqu’à ce que son compagnon s’endorme dans ses bras, les yeux pleins d’étoiles. Pendant neuf mois, elle protégea ainsi la vie balbutiante de son ventre, et l’homme de sa propre violence. Elle devint mère d’un nouvel habitant de la terre, en même temps que celle des contes.

Dans ce même jardin, dans la profondeur d’une forêt de palmiers, resplendit le palais de Schéhérazade, fille du vizir du roi Schariar. Sa parole enchanteresse calma elle aussi la fureur meurtrière du roi, son mari : trompé par sa femme, il ne gardait ses belles de nuit que jusqu’à l’aube, moment où il les confiait au bourreau. L’intelligence, le charme et le courage de Schéhérazade guérirent la malédiction.

La parole des conteurs, comme le chant des oiseaux, protège la vie et apporte la guérison, cette guérison dont tous les êtres ont besoin.

Guérir le yin et le yang et retrouver l’amour à la lumière des contes de Hélène Marguerite Contesse

Une chanson de Loreena McKennitt – Skellig Lord of the Rings