Un fluide insaisissable coule d’une génération à l’autre

Un fluide insaisissable coule d’une génération à l’autre.

Lorsque nous développons nos antennes et apprenons à déceler partout la trace d’autres passants, d’autres humains vivants ou morts, alors notre façon d’être au monde se dilate et s’agrandit.

Je suis le témoin de la scène suivante :

Un ami de longue date, Richard Baker Roshi, héritier dharma de Suzuki Roshi, et sa fille de trois ans sont installés à la table du petit déjeuner chez nous. Sophie commence avec son couteau à rayer la table. Et grâce à ce geste qui ne m’as guère enchantée, voilà que j’assiste à une leçon de transmission.

Le père arrête avec douceur la petite main.

« Halte, Sophie, à qui est cette table ? »

Alors la petite fille boudeuse :

« Je sais ! A Christiane.

– Non, mais avant Christiane !… Elle est ancienne cette table, n’est-ce pas ? D’autres ont déjeuné là…

– Oui, les parents, les grands-parents, les….

– … Mais ce n’est pas tout !…. Avant encore ?…

Elle a appartenu à l’ébéniste qui en avait acquis le bois. Mais d’où venait-il ce bois ?… Oui, d’un arbre qu’avait abattu le bûcheron… mais l’arbre, à qui appartenait-il ?… A la forêt qui l’a protégé… Oui… et à la terre qui l’a nourri… à l’air, à la lumière, à l’univers entier… !

… Et puis, Sophie, elle appartient à d’autres… la table… à ceux qui ne sont pas encore nés et qui viendront après nous… ici même quand nous seront partis et quand nous serons morts. »

Un cercle après l’autre se forme, comme après le jet d’une pierre dans un étang.

Et les yeux de Sophie aussi s’agrandissent, se dilatent.

L’hommage aux origines. Ainsi commence tout processus d’humanisation

N’oublie pas les chevaux écumants du passé de Christiane Singer

Fred Pellerin – Il faut que tu saches

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