Lettres à un jeune poète

confiance

Le développement naturel de votre vie intérieure vous conduira lentement, avec le temps, à un autre état de connaissance. Laissez à vos jugements leur développement propre, silencieux. Ne les contrariez pas, car, comme tout progrès, il doit venir du profond de votre être et ne peut souffrir ni pression ni hâte. Porter jusqu’au terme, puis enfanter : tout est là. Il faut que vous laissiez chaque impression, chaque germe de sentiment, mûrir en vous, dans l’obscur, dans l’inexprimable, dans l’inconscient, ces régions fermées à l’entendement. Attendez avec humilité́ et patience l’heure de la naissance d’une nouvelle clarté́. L’art exige de ses simples fidèles autant que des créateurs.

Le temps, ici, n’est pas une mesure. Un an ne compte pas : dix ans ne sont rien. Être artiste, ce n’est pas compter, c’est croitre comme l’arbre qui ne presse pas sa sève, qui résiste, confiant, au grand vent du printemps, sans craindre que l’été́ puisse ne pas venir. L’été́ vient. Mais il ne vient que pour ceux qui savent attendre. Aussi tranquille et ouverts que s’ils avaient l’éternité́ devant eux. Je l’apprends tous les jours au prix de souffrance que je bénis : patience est tout.

Rainer Maria Rilke Lettres à un jeune poète

Une pièce musicale d’Armand Amar- Life

Laisser un commentaire