Éloge du risque

 

Nous avons été des enfants érotiques et nous ne le savons plus. Nous avons goûté le monde, nous avons touché et été touchés, nous avons écouté un bruit jusqu’à ce qu’il se confonde avec la nuit et nous enveloppe comme une voie lactée merveilleuse, nous avons bercé une feuille d’herbe, un caillou, un mot, des tas de choses impossibles à bercer, nous l’avons fait, nous avons traqué sous nos paupières à demi-closes un signe de vie à l’envers, nous avons construit des passages, des signes, des alphabets, nous avons essayé de comprendre, dos à l’énigme et de nous raconter des histoires pour être moins effrayés. Et nous avons oublié cela. Cette énergie folle dépensée pour rien, pour quelques sensations fugitives et brûlantes restées sous la peau comme des augures non déchiffrés.

*

La nuit est notre amplitude secrète. L’espace de notre folie intime, mutique. La nuit enregistre nos peurs et nous en délivre, le jour, par l’effet d’une amnésie bienfaitrice dont l’angoisse est le reste insécable. La nuit est notre vérité, elle nous intime à rejoindre un lieu plus ancien qu’on appelle parfois l’âme, et dont la langue nous est indéchiffrable.

*

Le secret est l’envers de la honte.

*

On veut l’intensité sans le risque. C’est impossible. L’intensité c’est le saut dans le vide, la part d’inédit, ce qui n’a pas encore été écrit et qui pourtant en nous est en attente, de précisément ça. La passion est une disposition qui nait en nous depuis l’enfance, que l’on peut faire croître ou diminuer mais totalement altérer, jamais.

Au risque de la passion.

*

Quand nous souffrons de ce qui fait symptôme, nous croyons que cette souffrance nous empêche de vivre, alors qu’en réalité elle négocie pour nous le prix de la réalité.

Anne Dufourmantelle dans Éloge du risque

Une chanson de Yoav – Wake Up

2 réflexions sur “Éloge du risque

Laisser un commentaire