Le cœur du monde

A un bout du monde, loin des mers et des rivières, par-delà les bois, les champs, les jardins et les plaines glacées, se dresse une haute montagne. Elle est si éloignée des hommes qu’aucun mortel ne l’a encore aperçue, et elle s’élève jusqu’au firmament. Rien n’égale la dureté de cette montagne. Ses flancs ne présentent pas la moindre fissure et sont lisses comme le verre. A un endroit seulement, à son sommet, la pierre est fendue. Là s’ouvre une petite cavité d’où jaillit une source d’eau pure.

A l’autre bout du monde, caché aux hommes, se trouve le cœur du monde. Car le monde a un cœur, comme chaque animal et chaque chose. Tout en battant, le cœur du monde observe la source pure. Il la regarde sourdre du sommet de la montagne, soupire après elle, languissant d’un grand amour, mais il ne peut l’approcher. Si le cœur du monde bougeait un tant soit peu de sa place, il cesserait de voir le mont et sa source pure. Celle-ci disparaissant de sa vue, son pouls s’arrêterait aussitôt. Le cœur mourrait de chagrin et le monde avec lui car, si quelqu’un perd son cœur, il perd aussi la vie.

C’est un charme puissant et mystérieux qui lie la source pure au cœur du monde.

Le cœur ne peut vivre sans la source, mais la source elle-même se dessécherait sans le cœur. Car à chaque crépuscule, il lui fait un cadeau: un jour, un seul jour, pendant lequel elle peut continuer de jaillir. Lorsque le jour s’achève, la source claire se met à chanter. Seul le cœur du monde entend sa voix, et il répond à la source lui aussi en chantant. Ses mélodies sont étranges et fascinantes. Elles n’ont ni paroles ni notes, aucune tonalité de joie, ni de chagrin. La trame des chansons de la source pure et du cœur du monde est formée de fils de lumière qui s’élèvent dans l’azur, traversent les sept cieux pour se déployer très haut, au-dessus de la terre, en un réseau de splendeur et d’éclat. Jour après jour, un ange s’approche de cette trame pour en tisser le jour suivant. Une fois son travail terminé, il envoie le jour au cœur du monde qui l’offre à la source claire, de sorte que celle-ci peut jaillir jusqu’au prochain crépuscule.

L’ange divin qui tisse dans la trame lumineuse le jour nouveau doit être, lui aussi, recréé chaque fois, Ce sont les bonnes actions qui forment sa tête, son corps, ses mains, ses jambes, mais les mauvaises le détruisent. Si les gens s’aident et vivent dans la paix, ils permettent à l’ange de naître. Mais, s’il se trouvait un jour sur terre plus d’hommes qui tuent, volent et mentent, l’ange n’apparaîtrait plus. Nul ne rassemblerait plus les fils des chansons de la source pure et du cœur du monde pour en tisser le jour suivant. Le cœur du monde n’offrirait plus à la source son présent, celle-ci tarirait et, sans elle, le cœur du monde cesserait de battre.

Alors le souffle des oiseaux, des biches et des gens s’arrêterait, les fleurs et les arbres se dessécheraient, les villes et les villages disparaîtraient, tandis que les montagnes et les vallées s’effondreraient pour ne plus jamais renaître …

Contes juifs. Collection Légendes et contes de tous pays. de Léo Pavlàt

Deux chansons de Neil Young – Old Man et Heart Of Gold

Les paroles en français sur  https://www.lacoccinelle.net/255297.html

https://www.lacoccinelle.net/246360.html

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