La nuit sacrée avec Tahar Ben Jelloun

C’est très important le rire, il brise le mur de la peur, de l’intolérance et du fanatisme.

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Le temps est ce que nous sommes. Il est sur notre visage, dans nos silences, dans notre attente. Méritons le temps de la patience et des jours où rien n’arrive.

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Ce qui importe, c’est la vérité. A présent que je suis vieille, j’ai toute la sérénité pour vivre. Je vais parler, déposer les mots et le temps. Je me sens un peu lourde. Ce ne sont pas les années qui pèsent le plus, mais tout ce qui n’a pas été dit, tout ce que j’ai tu et dissimulé. Je ne savais pas qu’une mémoire remplie de silences et de regards arrêtés pouvait devenir un sac de sable rendant la marche difficile.

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Après le thé, il se leva : Il faut que j’y aille; les gosses sont terribles. J’essaie de leur faire apprendre le Coran comme je l’aurais fait avec une belle poésie, mais ils posent des questions embarrassantes, du genre : « C’est vrai que les chrétiens iront tous en enfer? » ou alors : « Puisque l’islam est la meilleure des religions, pourquoi Dieu a attendu si longtemps pour la faire répandre? » Pour toute réponse je répète la question en levant les yeux au plafond : « Pourquoi l’islam est arrivé si tard? »… Peut-être que vous, vous connaissez la réponse?

J’y ai déjà pensé. Mais voyez-vous, je suis comme vous, j’aime le Coran comme une poésie superbe, et j’ai horreur de ceux qui l’exploitent en parasites et qui limitent la liberté de la pensée. Ce sont des hypocrites. D’ailleurs le Coran en parle…

Oui, je vois…je vois…

 Après un silence il cita le verset 2 de la sourate « Les impies » : « Ils se font un voile de leurs serments. Ils écartent les hommes des voies du salut. Leurs actions sont marquées au coin de l’iniquité »… Des croyants fanatiques ou des impies. Qu’importe, ils se ressemblent et je n’ai aucune envie de les fréquenter.

– Moi je les connais bien. J’ai eu affaire à eux avant. Ils invoquent la religion pour écraser et dominer. Et moi, j’invoque à présent le droit à la liberté de penser, de croire ou de ne pas croire. Cela ne regarde que ma conscience. J’ai déjà négocié ma liberté avec la nuit et ses fantômes.

dans Tahar Ben Jelloun dans La nuit sacrée

Une chanson de Yusuf Islam (Cat Stevens) – The wind

https://www.lacoccinelle.net/971219.html

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