Philosopher à l’infini

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La vie est inachevée. Mais elle contredit sans cesse cet inachèvement essentiel, non par la création de formes, mais par le fait que ces formes durent sans variation parfois pendant des millénaires, étant comme des impasses.

L’homme se sait inachevé. Cependant, la société est le lieu des formes fixes, et, par l’État et les institutions, exige de l’individu, sous la menace, l’aliénation à ces formes. De sorte que l’individu est sans cesse dépossédé de lui-même, de son essence créatrice. Les formes n’évoluent pas, ou n’évoluent guère.

De là, de temps à autre, dans l’histoire, des processus de substitution aux anciennes formes fixes de nouvelles formes : ce sont des guerres, des coups d’État, des révolutions. L’individu, qui devait le respect à un code, à des institutions, à des lois, à des personnages, doit ensuite le respect à un code différent, à des institutions nouvelles, à d’autres lois, à d’autres personnages.

On lui dit qu’il doit aller à la guerre. Il y va, et il meurt, sans avoir eu le temps d’avoir, lui-même, une quelconque réalité. L’existence est nécessairement un compromis entre la société et soi-même. On ne peut échapper complètement à la pression des formes fixes (que Platon, avec sa théorie des Idées, a voulu absolutiser pour fonder son autoritarisme), et vivre une vie purement naturelle, mais l’on doit s’y efforcer pour être en accord avec soi-même, avec son tao.

Il y a lieu de réduire autant que possible, dans sa vie, la part des comportements obligés, et d’échapper, si l’on peut, aux devoirs contingents émanant des formes fixes. Et l’on ne prendra aucun engagement que l’on pourrait éviter.

Marcel Conche dans Philosopher à l’infini

Une pièce musicale d’Olafur Arnalds – Happiness Does Not Wait

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