Le petit livre des grandes coïncidences

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Laplace est l’auteur d’une théorie de l’univers baptisée parfois « théorie de la boule de billard ». On l’a baptisée le « le démon de Laplace » et des physiciens tels que Hobbes ou Leibniz y ont adhéré. Imaginée en 1815, elle suggère que, après l’instant où l’univers s’est créé, un millième de seconde après le big bang, tout ce qui s’est passé était essentiellement prévisible, comme l’est la trajectoire des boules sur une table de billard. Si, lorsqu’on frappe une boule, on pouvait connaître précisément la position de chaque autre boule, ainsi que la masse, la vitesse et la direction de la blanche, la pression de l’air et tous les autres paramètres susceptibles d’affecter l’impact, alors on pourrait prévoir exactement comment les différentes boules vont rouler et rebondir autour de la table. Les boules ne disposent pas de libre arbitre. Elles obéissent toutes sans exception aux règles de base de la physique; tout comme chaque particule de l’univers, y compris chaque atome de notre corps et de notre cerveau.

La théorie de la boule de billard suggère donc que chaque particule composant l’univers ne fait qu’obéir à un ensemble de règles de base qui existent depuis le commencement des temps. En conclusion : tout a été efficacement pré ordonné dès la première seconde. Donc, si l’on avait pu connaître précisément la localisation, la vitesse et les propriétés de chaque particule du big bang, on aurait été, au final, en mesure de prédire que vous seriez en train de lire ces pages parce que nous ne sommes rien d’autre que des amas de particules fondamentales et qu’aucun de nous n’a le pouvoir d’altérer les lois de la science. Ce qui nous amène à une hypothèse qui peut faire bondir: certains évènements liés à notre destin seraient programmés.

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Jamais l’extrait suivant des Pensées de Pascal ne m’a pas paru plus parlant qu’au cours de l’écriture de ces pages: « Je ne sais qui m’a mis au monde, ni ce que c’est que le monde, ni que moi-même. Je ne sais ce que c’est que mon corps, que mes sens, que mon âme; et cette partie même de moi qui pense ce que je dis, et qui fait réflexion sur tout et sur elle-même, ne se connaît non plus que le reste. Je vois ses effroyables espaces de l’Univers qui m’enferment, et je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue, sans savoir pourquoi je suis placé en ce lieu plutôt qu’en un autre, ni pourquoi ce peu de temps qui m’est donné à vivre m’est assigné à ce point plutôt qu’à un autre de toute l’éternité qui m’a précédée, et de toute celle qui me suit.

Gilbert Sinoué dans Le petit livre des grandes coïncidences

Une pièce musicale de Beirut – Ederlezi

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