Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran

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Ton amour pour elle, il est à toi. Il t’appartient. Même si elle le refuse, elle ne peut rien y changer. Elle n’en profite pas, c’est tout. Ce que tu donnes, Momo, c’est à toi pour toujours; ce que tu gardes, c’est perdu à jamais !

*

Avec monsieur Ibrahim, je me rendais compte que les juifs, les musulmans et même les chrétiens, ils avaient eu plein de grands hommes en commun avant de se taper sur la gueule.

*

Le lendemain, monsieur Ibrahim m’emmena à Paris, le Paris joli, celui des photos, des touristes. Nous avons marché le long de la Seine, qui n’est pas vraiment droite.

—      Regarde, Momo, la Seine adore les ponts, c’est comme une femme qui raffole des bracelets.

Puis on a marché dans les jardins des Champs-Elysées, entre les théâtres et le guignol. Puis rue du Faubourg-Saint-Honoré, où il y avait plein de magasins qui portaient des noms de marque, Lanvin, Hermès, Saint Laurent, Cardin… ça faisait drôle, ces boutiques immenses et vides, à côté de l’épicerie de monsieur Ibrahim, qui était pas plus grande qu’une salle de bains, mais qui n’avait pas un cheveu d’innocupé, où on trouvait, empilés du sol au plafond, d’étagre en étagère, sur trois rangs et quatre profondeurs, tous les articles de première, de deuxième… et même de troisième nécessité.

—      C’est fou, monsieur Ibrahim, comme les vitrines de riches sont pauvres. Y a rien là-dedans.

—      C’est ça le luxe, Momo, rien dans la vitrine, rien dans le magasin, tout dans le prix.

*

— Monsieur Ibrahim, est-ce que vous trouvez que je

suis beau ?

— Tu es très beau, Momo.

— Non, c’est pas ce que je veux dire. Est-ce que vous

croyez que je serai assez beau pour plaire aux filles… sans

payer ?

— Dans quelques années, ce seront elles qui paieront

pour toi !

— Pourtant… pour le moment… le marché est calme…

— Évidemment, Momo, tu as vu comme tu t’y

prends ? Tu les fixes en ayant l’air de dire : « Vous avez

vu comme je suis beau. » Alors, forcément, elles rigolent.

Il faut que tu les regardes en ayant l’air de dire : « Je n’ai jamais vu plus belle que vous. »

Eric-Emmanuel Schmitt dans Monsieur Ibrahim et les Fleurs du Coran

Une pièce musciale de Quentin Dujardin – Monsieur Ibrahim

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