Un bruit de balançoire

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Je ne crois pas à ce qu’on me dit. Je crois à la façon dont on me le dit.

Chère inconnue

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L’humain est un tissu qui se déchire facilement.

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Je rêve d’une écriture qui ne ferait pas plus de bruit qu’un rayon de soleil heurtant un verre d’eau fraîche. Ils ont ça, au Japon. Un de leurs maîtres du dix-neuvième siècle, Ryôkan, est venu me voir. Vous verrez : il n’a qu’une présence discrète dans le manuscrit. Il se cache derrière le feuillage de l’encre comme le coucou dans la forêt.

C’est que je crois qu’il est vital aujourd’hui de prendre le contrepied des tambours modernes : désenchantement, raillerie, nihilisme.

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Ryôkan, je ne le connaissais pas il y a deux ans. Et puis je le découvre et je revois des pans de ma vie : moi aussi j’avais trente ans, aucune place dans le monde.

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Je n’ai pas écrit un livre sur Ryôkan mais un livre avec lui. C’est simple: je ne crois qu’au concret, au singulier. Aux maladresses de l’humain- pas au prestige des machines. Les livres sont des âmes, les librairies des points d’eau dans le désert du monde.

Les Lettres manuscrites sont comme les feuilles d’automne: parfois un enfant ramasse l’une d’elles, y déchiffre l’ampleur d’une vie en feu, à venir. Ce qui parle à notre cœur-enfant est ce qu’il y a de plus profond. J’essaie d’aller par là. J’essaie seulement.

Christian Bobin dans Un bruit de balançoire

Une pièce musicale de Ravel – Boléro

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