Le Séjour

ImAGE Emprisonné

Ce n’est pas à travers les trous oculaires que je vois. C’est à travers un œil qui est derrière et au-dessus. Un œil qui est chez moi et fait comme chez lui. Comme chez toi. C’est un regard impersonnel. Ce qu’il voit au dehors, est personnel. Ce qui est dehors, apparaît et disparaît. Mais cet œil qui voit tout n’est jamais apparu, c’est simplement une ouverture qui laisse sa place au monde.

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Le jour dit à ses fils : la nuit, regardez mes sœurs les étoiles. Je serai parmi elles au milieu de vous. Je suis l’immobile plateforme, la capacité ouverte où le mouvement s’accomplit. Et les millions d’étoiles dans le ciel sont autant de jours. Et nos jours, nos jours sont au fil des jours autant de perles qu’un fil de nuit relie. Un point à l’envers, un point à l’endroit. Jusqu’à se rompre. Elles brillent alors, un instant, avant de rouler sous la table de l’oubli.

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Le sans visage est dans chaque visage. Il n’est pas un mot, mais le silence de tous les mots. Et pourtant, s’il est le ciel, il est aussi l’oiseau et quelque chose d’irrésistible nous ramène à sa beauté.

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Le séjour de l’éveil est dans la clarté de l’esprit, dans cette lumière irradiant toute chose de sa présence. Toute chose n’a lieu qu’en son séjour. Partout circule l’énergie, aucune chose ne serait sans elle; mais la pierre, la fleur, la terre ne se prennent pas pour autre chose qu’une manifestation de cette énergie. Seul l’homme pense être quelqu’un, se détache de sa source jusqu’à l’oublier.

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Je vais aller où je ne suis jamais allé, là d’où je ne suis jamais parti. Revenir au séjour que je n’ai jamais quitté. Ce lieu abstrait, comparable au ciel immense, vide, lumineux, sans limite ni contour. Il n’est que de se retourner vers lui, vers ce que fondamentalement nous sommes. Retourner le regard vers sa source. Plonger dans la fontaine obscure d’où surgit le regard. Devenir ce qu’il n’a jamais cessé d’être. Une lampe allumée dans la nuit des tempes. Car le ciel n’est rien d’autres qu’un regard.

Jacques Goorma dans Le Séjour

Une pièce musicale de Yann Tiersen – Porz Goret

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