Du trop de réalité

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En elle-même, la surabondance des informations ne conduit pas à un embarras du choix qui empêcherait tout jugement, comme certains l’on avancé. C’est plutôt de ne pouvoir être replacée dans un ensemble sensible cohérent, qu’il n’est plus d’informations, futile ou importante, qui ne paraisse condamnée à se perdre dans le flux de toutes les autres. Davantage, leur défilé ininterrompu ferme une à une les perspectives qu’il était jusqu’alors naturel à l’imagination de projeter au-delà des simples données objectives pour appréhender un être, un événement, une situation… L’effondrement de la critique d’art comme de la critique littéraire ne s’explique pas autrement : faute de quelque adhésion sensible, peu importe à quoi l’on se réfère. D’où la pléthore de théories d’allure scientifique qui prospèrent de cette absence sensible, sans avoir d’autre raison d’être que de l’entretenir sous un semblant de sérieux.

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Des années de nourriture trafiquée, frelatée, reconstituée, nous ont accoutumés à déguster moins la chose elle-même que le nom de la chose.

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Sans doute une critique d’art comme Catherine Millet remarque-t-elle que, dans la mesure où « les contemporains, mieux informés et plus tolérants, veulent bien mettre de plus en plus d’espaces collectifs à la disposition des artistes […] le modèle marginal ou du maudit s’estompe. Le « suicidé de la société » fait place au subventionné de la société. » De sorte que, ne manquant pas de souligner par exemple les contradictions d’un Daniel Buren qui, après s’être illustré dans les années soixante avec quelques autres comme l’ennemi de l’institution, en est devenu un des plus fidèles serviteurs (qu’il exécute la commande des fameuses colonnes du Palais-Royal ou qu’il fasse fonction de directeur de l’École des beaux-arts), elle finit par se demander « si tout est prévu dans la société muséographique pour mettre en place, préserver et faire connaître les créations de l’artiste, quelle part celui-ci pourra-t-il encore accorder à l’utopie? » Bien sûr aucune.

Annie Le Brun dans Du trop de réalité

Une pièce musicale de Daniel Bélanger – Télévision

Les paroles sur https://laboiteauxparoles.com/titre/70205/daniel-belanger-television

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