Être dieu 2

a2062152562_10

Nous conservons l’illusion de vivre dans un monde solide alors qu’en réalité une chaîne de montagnes en granite n’est qu’un réseau diaphane d’énergie électrique.

*

Mais au fur et à mesure que la conscience de soi progresse de plus en plus vers le cœur des choses, il devient aussi de plus en plus clair que l’âme, le noyau central du soi, est quelque chose que nous partageons tous: et sans qu’il y ait besoin d’une mémoire pour franchir les intervalles, nos incarnations multiformes émergent encore et toujours, comme les fruits en leur saison, chacune étant un rayon de soleil magnifié par une lentille, concentré par le Seul-et-Unique.

*

Savoir cela revient en termes de jeu de cache-cache, à avoir trouvé le « chez-soi », le « chez-soi éternel » des chrétiens, et la libération de la moksha des hindouistes. Ni l’un ni l’autre ne sont à prendre au sens littéral, soit comme un éternel service religieux d’un côté, soit de l’autre, comme une disparition permanente du monde des formes et des manifestations. Car la mort par laquelle il faut passer pour avoir la vision de Dieu est la mort de la fausse identité, et en se retirant du monde, on ne fait que retirer du jeu, tel personnage particulier, untel, que je prends pour mon seul et unique moi. Quant au reste, l’immense et splendide féerie électrique qu’est l’univers peut continuer sans cesse, même vieille histoire répétée avec une inépuisable inventivité pour la renouveler; couleur, musique, complexité des modèles, beauté et terreur, amour et tragédie, canards dans l’aube d’un lac, mouettes affrontant la tempête, torsades des flammes du foyer, et cette merveille, ce bijou, l’œil qui contemple tout, tout pétri des possibilités sans fin du jeu du oui-et-non. 

Alan Watts dans Être dieu 2

Une pièce musicale d’Armand Amar – Life

Laisser un commentaire