Tentatives de lucidité

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Une des métaphores possibles pour comprendre la finitude de l’histoire de l’aventure humaine est d’imaginer un extraterrestre commençant la lecture d’un livre de trois cents pages lors de la naissance de la Terre et poursuivant sa lecture à un rythme tel qu’il arrive aujourd’hui à la fin. Lorsqu’il lisait la première page, il a donc vu des poussières s’agglomérer pour former une planète; dès la page 60, il a vu apparaître les premières bactéries, mais il lui a fallu attendre la page 180 pour voir les premiers êtres multicellulaires, la page 200 pour les premières cellules à noyau, la page 285 pour les premiers reptiles, la page 288 pour les mammifères et la page 291 pour les oiseaux. Il a alors constaté que les évènements se précipitaient. Neuf pages avant la fin apparaissent les primates, mais ce n’est qu’au début du dernier paragraphre de la trois centième et dernière page qu’apparaissent les premiers êtres que l’on peut classer dans la catégorie Homo. Ils apprivoisent le feu vers le milieu de la dernière ligne et imaginent de cultiver la terre et d’élever les animaux alors que le lecteur imaginaire atteint le tout dernier caractère. L’histoire des hommes, celle que nous avons apprise dans nos livres d’école, tient tout entière dans cet ultime caractère.

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Je suis le résultat de toutes les rencontres que j’ai faites.

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……même si un jour nous savons tout de notre prison terrestre, elle compte un objet dont nous n’achèverons jamais la connaissance: nous.

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En progressant, la science laisse derrière elle les cadavres des concepts erronés.

Albert Jacquard dans Tentatives de lucidité

Une pièce musicale de Johann Sebastian Bach – Air

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