Le sable et l’écume

Khalil-Gibran

Dans le cœur de tout homme et de toute femme, il est un peu de sable et d’écume. Mais certains d’entre nous livrent ce qui demeure caché dans le plumage de leur cœur, d’autres en éprouvent de la honte. Quant à moi, je n’en rougis point.

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Je marche éternellement sur ces rivages, entre le sable et l’écume. Le flux de la marée effacera l’empreinte de mes pas, et le vent emportera l’écume. Mais la mer et le rivage demeureront éternellement.

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Ils me disent dans leur éveil: « Toi et le monde dans lequel tu vis n’êtes qu’un grain de sable sur le rivage infini d’une mer infinie. » Et dans mon rêve je leur réponds : « Je suis la mer infinie, et tous les mondes ne sont que des grains de sable sur mon rivage. »

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Le Sphinx ne parla qu’une seule fois et dit : « Un grain de sable est un désert, et un désert est un grain de sable; à présent, taisons-nous à nouveau. » J’entendis le Sphinx, mais ne le compris pas.

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Une perle est un temple bâti par la douleur autour d’un grain de sable. Quelle nostalgie bâtit nos corps et autour de quels grains ?

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Le souvenir est une forme de rencontre.

L’oubli est une forme de liberté.

On ne peut atteindre l’aube, sinon par le sentier de la nuit.

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Si l’hiver disait : « Le printemps est en mon cœur », qui le croirait ?

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J’aspire à l’éternité parce que j’y rencontrerai les poèmes que je n’ai pas écrits et les tableaux que je n’ai pas peints.

Khalil Gibran dans Le sable et l’écume

Une pièce musicale de Claude Debussy – La Mer

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