3 grandes conceptions de la transcendance

lever-de-soleil-espace_a88bae31763d14c85833b3c7ee5b4c099bce3cb1 (1)

On peut distinguer trois grandes conceptions de la transcendance.

*

La première est celle que mobilisaient déjà les Anciens pour décrire le Cosmos. Fondamentalement, bien sûr, la pensée grecque est une pensée de l’immanence puisque l’ordre parfait n’est pas un idéal, un modèle qui se situerait ailleurs dans l’univers, mais au contraire une réalité de part en part incarnée en lui. Le divin des stoïciens, à la différence du Dieu des chrétiens, n’est pas un Être extérieur au monde, mais il est pour ainsi dire son ordonnancement même, en tant qu’il est parfait. Cependant, (…), l’ordre harmonieux du cosmos n’en est pas moins transcendant par rapport aux humains, en ce sens précis qu’ils ne l’ont ni crée ni inventé. Ils le découvrent au contraire comme une donnée extérieure et supérieure à eux. Le mot « transcendant » s’entend donc ici par rapport à l’humanité. Il désigne une réalité qui dépasse les hommes sans pour autant se situer ailleurs que dans l’univers. La transcendance n’est pas au ciel mais sur la terre.

Une deuxième conception de la transcendance, tout à fait différente et même opposée à la première, s’applique au Dieu des grands monothéismes. Elle désigne tout simplement le fait que l’Être suprême est, au contraire du divin des Grecs, « au-delà » du monde crée par lui, c’est-à-dire tout à la fois extérieur et supérieur à l’ensemble de la création. Contrairement au divin des stoïciens, qui se confond avec l’harmonie naturelle et n’est par conséquent pas situé hors d’elle, le Dieu des juifs, des chrétiens et des musulmans est totalement supranaturel -pour ne pas dire « surnaturel ». Il s’agit donc là d’une transcendance qui ne situe pas seulement par rapport à l’univers lui-même conçu tout entier comme une création dont l’existence dépend d’un Être extérieur à elle.

Mais une troisième forme de transcendance, différente des deux premières, peut encore être pensée. Elle prend racine, déjà, dans la pensée de Kant, puis chemine jusqu’à nous à travers la phénoménologie de Husserl. Il s’agit de ce que Husserl nommait la « transcendance dans l’immanence ».

La formule n’est pas très parlante, mais elle recouvre une idée d’une très grande profondeur. (…) : il n’y a pas d’omniscience, pas de savoir absolu car tout est visible se donne toujours sur un fond d’invisible (exemple d’un cube à six faces: il y a toujours trois faces visibles et trois faces cachées). En d’autres termes, toute présence suppose une absence, toute immanence une transcendance cachée, toute donation d’objet, quelque chose qui se retire.

Luc Ferry dans Apprendre à vivre : Traité de philosophie à l’usage des jeunes générations

Une pièce musicale de Opa Tsupa – Mamma mia

Laisser un commentaire