Elle est une pleureuse, elle est la personne que l’on doit payer pour pleurer le plus longtemps possible pendant les funérailles.

Son rôle n’est pas de remplacer les membres de la famille qui ont de la peine et qui versent quelques larmes, son rôle est de sublimer les gens qui pleurent sans art, n’importe comment, comme ça vient. Elle doit en mettre plein la vue et démontrer que c’est toujours plus beau quand c’est fait par un professionnel.

Elle avait la plus intime conviction que ce qui fait la différence dans la vie, c’est des personnes comme elle. Elle démontrait par son art que les émotions qui ne sont pas accompagnées d’actions sont le lot des gens qui ne vivent pas intensément leur vie, des mauvais artistes, des perdants.

Cette femme je l’ai rencontré il y a quelque temps lors de l’enterrement de la mère d’un de mes amis.  Elle était belle dans son jeu de douleur, elle était gracieuse, elle prenait sur elle toute l’attention qui cherche à fuir la douleur.

J’ai beaucoup aimé qu’elle me fasse voir, ne fût-ce qu’un instant, le monde tel qu’il est souhaité, une fabrication par des humains qui espèrent se réaliser à travers les yeux de ceux qui regardent le monde.

Depuis, j’adore percevoir le monde tel qu’il est à travers mon regard qui se voit regarder le monde.

Une chanson de Hildegard von Bingen – Vision [O Euchari in Leta Via]

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