Notes sur la mélodie des choses

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Si nous voulons être des initiés de la vie, nous devons considérer les choses sur deux plans :

D’abord, la grande mélodie, à laquelle coopèrent choses et parfums, sensations et passés, crépuscules et nostalgies.

Et puis, les voix singulières, qui complètent et parachèvent la plénitude de ce chœur.

Et pour une œuvre d’art cela veut dire que pour créer une image de la vie profonde de l’existence qui n’est pas seulement d’aujourd’hui, mais toujours possible en tout temps, il sera nécessaire de mettre dans un rapport juste et d’équilibrer les deux voix, celle d’une heure marquante et celle d’un groupe de gens qui s’y trouvent.

A cette fin, il faut avoir distingué les deux éléments de la mélodie de la vie dans leur forme primitive ; il faut décortiquer le tumulte grondant de la mer et en extraire le rythme du bruit des vagues, et avoir, de l’embrouillamini de la conversation quotidienne, démêler la ligne vivante qui porte les autres. Il faut disposer côte à côte les couleurs pures pour apprendre à connaître leurs contrastes et leurs affinités.

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Il faut avoir oublié le beaucoup, pour l’amour de l’important.

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Que ce soit le chant d’une lampe, ou bien la voix de la tempête, que ce soit le souffle du soir ou le gémissement de la mer, qui t’environne- toujours veille derrière toi une ample mélodie, tissée de mille voix, dans laquelle ton solo n’a sa place que de temps à autre. Savoir à quel moment c’est à toi d’attaquer, voilà le secret de ta solitude : tout comme l’art du vrai commerce c’est : de la hauteur des mots se laisser choir dans la mélodie une et commune.

Rainer Maria Rilke dans Notes sur la mélodie des choses

Une pièce musicale de Hildegard von Bingen voix de Hana Blochová – KVINTERNA

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