Zen et humilité

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Mon corps est entretenu par des processus dont l’ingénieuse complexité dépasse toute imagination. Après une blessure, il est reconstruit. Par quoi? Par qui? La notion s’impose à moi d’un Principe infatigable et amical qui me crée sans cesse de sa propre initiative.

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Tout le problème de l’angoisse humaine se résume dans le problème de l’humiliation. Guérir de l’angoisse, c’est être libéré de toute possibilité d’humiliation. D’où vient mon humiliation ? De me voir impuissant ? Non, ceci ne suffit pas. Elle vient du fait que je tente en vain de ne pas voir mon impuissance réelle. Ce n’est pas l’impuissance elle-même qui fait l’humiliation, mais le choc subi par ma prétention à la toute-puissance lorsqu’elle se heurte à la réalité des choses. Je ne suis pas humilié parce que le monde extérieur me nie, mais parce que j’échoue à anéantir cette négation. La véritable cause de mon angoisse n’est jamais dans le monde extérieur, elle est seulement dans la revendication que je lance au dehors et qui s’écrase contre le mur de la réalité.

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Sans le dire toujours d’une façon explicite le Zen est centré sur l’idée d’humilité. Tout au long de la littérature Zen, nous voyons comment les maîtres, dans leur ingénieuse bonté, humilient intensément leurs élèves au moment qu’ils jugent propice. De toutes manières, que l’humiliation vienne d’un maître ou de l’échec ultime éprouvé en soi-même, le satori se déclenche toujours dans un instant où l’humilité de l’homme s’accomplit devant l’absurdité enfin évidente de tous ses prétentieux efforts. Rappelons-nous que la « nature des choses » est pour nous le meilleur, le plus affectueux, et le plus humiliant des maîtres; elle nous entoure de son aide vigilante. La seule tâche qui nous incombe est de comprendre la réalité et de nous laisser transformer par elle… l’humilité qui n’est pas acceptation d’infériorité, mais abandon de la conception « verticale » où je me voyais toujours au-dessus ou au-dessous.

Hubert Benoit dans La Doctrine suprême selon la pensée zen

Une pièce musicale de Eric Aron – Raku