Les pages vides

Silence

Ce matin, je me rappelle d’Enzo qui m’a tellement apporté.  Il était généreux de sa personne. Il était passé me voir, sans s’annoncer, et il m’a remis un petit cahier qu’il avait écrit. Il contenait bien une centaine de pages, mais environ le tiers seulement contenait du texte. Il y avait ici et là des textes. Le premier débutait à la page trois pour se terminer à la page 5 puis un autre texte débutait à la page 19 pour se terminer à la page 24. Ce cahier était parsemé de trous blancs.

Il était amusé par mon regard interrogatif. Il me dit gentiment : Prends ce cahier, tu y trouveras des réflexions que je voulais te partager, certaines te plairont, d’autres te dérangeront, c’est l’intérêt du partage, dit-il.

Je lui fis la remarque que certaines pages contenaient du texte, mais beaucoup d’autres étaient vierges et disposées de façons aléatoires.

Je me souviens encore sa réponse : Celles qui sont vierges sont aussi importantes pour moi que celles qui ont un texte. Puis, il partit en me laissant perplexe. Il s’est passé quelques années avant que l’on se revoie.

Durant ces années j’ai lu et relu ce cahier, y trouvant des petites perles de sagesse et parfois des réflexions suscitant un réel débat.

Étant donné que je ne pouvais pas en débattre avec lui, je me mis à écrire dans les marges des questions et des réflexions, puis d’autres idées me sont venues. J’ai lentement commencé à rallonger un texte, puis à ouvrir de nouveaux chapitres ajoutant ainsi ma contribution.

Au bout de quelques années, il me vient l’idée de lui parler de ce cahier qu’il m’avait donnée. Désirant connaître la fonction des pages blanches, je lui posai la question :

Pourquoi ne pas m’avoir dit la fonction des pages vierges? Pourquoi ne m’avoir rien dit à l’époque?

Il me répondit avec son éternel sourire : Ce qui est efficace, c’est l’expérience, les explications peuvent venir après. S’il n’y avait pas eu de feuilles vierges, tu aurais sans doute accepté ou refusé mes pensées et mes mots sans rien de plus. En te laissant de l’espace, il y avait dorénavant cette opportunité te permettant d’aller plus loin, de réfléchir, de créer, et de contribuer tout comme moi à la grande avancée. Si tu avais été insouciant, tu n’aurais pas cherché à prendre ta place et je n’aurais été qu’un divertissement et non un ami de voyage pour toi.

Depuis, j’aime regarder des pages vides, elles ont la vertu de solliciter mon silence, ma patience et ma créativité.

Une chanson par Peter Gabriel – The book of love

Les paroles en français sur https://www.lacoccinelle.net/270392.html

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