La grâce comble

L’intelligence ne peut jamais pénétrer le mystère, mais elle peut et peut seule rendre compte de la convenance des mots qui l’expriment.

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L’homme n’échappe aux lois de ce monde que la durée d’un éclair. Instants d’arrêt, de contemplation, d’intuition pure, de vide mental, d’acceptation du vide moral. C’est par ces instants qu’il est capable de surnaturel.

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On se porte vers une chose parce qu’on croit qu’elle est bonne, et on y reste enchaîné parce qu’elle est devenue nécessaire.

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Aimer un étranger comme soi-même implique comme contrepartie :

s’aimer soi-même comme un étranger.

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L’amitié doit être une joie gratuite comme celle que donne l’art, ou la vie. Il faut la refuser pour être digne de la recevoir : elle est de l’ordre de la grâce.

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Désirer échapper à la solitude est une lâcheté. L’amitié ne se recherche pas, ne se rêve pas, ne se désire pas ; elle s’exerce (c’est une vertu).

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Il n’y a rien de plus proche de la véritable humilité que l’intelligence. Il est impossible d’être fier de son intelligence au moment où on l’exerce réellement. Et quand on l’exerce on n’y est pas attaché. Car on sait que, deviendrait-on idiot l’instant suivant, et pour le reste de sa vie, la vérité continue à être.

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Aimer la vérité signifie supporter le vide, et par suite, accepter la mort. La vérité est du côté de la mort.

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La grâce comble, mais elle ne peut entrer que là où il y a un vide pour la recevoir, et c’est elle qui fait ce vide.

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La beauté séduit la chair pour obtenir la permission de passer jusqu’à l’âme.

Simone Weil dans La Pesanteur et la Grâce 

Une pièce musicale de Antonio Vivaldi La Stravaganza

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