Ma vie dans les monts

Dans cette connaissance par l’immédiat, rien ne s’interpose. Tout coïncide, tout s’accorde à l’ordinaire. C’est comme sortir de chez soi et voir les nuages flottant dans le ciel. On sait alors que toute philosophie constituée est dérisoire. On prend son bâton, et l’on va tranquille sur les chemins du monde.

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Face à cette petite cascade qui descend de ce mont anonyme, une réciproque appartenance devient sensible, dont la valeur excède ce qu’en perçoit d’ordinaire le sens commun.

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Le murmure de l’eau, dans le silence, se renouvelle à chaque instant, sans fin.

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Je me souviens alors du choix de cultiver la noblesse d’âme près des forêts de sapins. Sachant pertinemment que rien ne me sera donné de plus que cette transparence de l’air, cette odeur de résine. Cette poésie vitale.

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Au cours de l’hiver de l’année prochaine, en brûlant ce bois de chauffage, sans y penser je saurai d’où il vient, et cela sera bon pour moi en ma solitude.

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Quand un bloc de rocher se détache de la montagne et tombe en dévastant les bois, qui pense à quoi? Le fracas n’altère pas ce grand silence qui était avant, ce grand silence immuable.

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Écrire, ce n’est pas s’asseoir devant une feuille blanche. C’est dessoucher, débroussailler la terre de l’esprit, amender, sarcler, attendre les pluies et la bonne lune. C’est alors que tout se fait de soi-même, comme une fermentation.

Antoine Marcel dans Ma vie dans les monts

Une pièce musicale de  Jóhann Jóhannsson, Anthony Weeden – By the Roes, and by the Hinds of the Field

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