Univers parallèles ?

Bien qu’elle ait été conçue en fonction du paradoxe du chat de Schrödinger, c’est-à-dire pour résoudre le problème de la mesure, la théorie des univers parallèles donne une explication relativement économe en «branches d’univers » du paradoxe d’Einstein-Podolsky-Rosen. Considérons le cas simple de deux protons de spins opposés qui s‘éloignent l’un de l’autre en se dirigeant vers deux appareils de mesure d’orientations parallèles, et supposons que l’appareil 1 fonctionne en premier. Alors l’univers de scinde en deux branches, l’une où le résultat de la mesure de cet appareil est +1, et l’autre où ce résultat est -1. Mais puisque les spins sont forcément opposés, une mesure effectuée avec l’appareil 2 donnera automatiquement -1 dans la première branche d’univers et +1 dans la seconde, c’est-à-dire que cette nouvelle mesure ne conduira pas à une nouvelle scission en branches parallèles. Il y a une seule scission relative à l’ensemble formé par les deux protons, d’où deux branches d’univers, et non pas une scission pour le proton mesuré en premier puis une scission pour le second, ce qui aurait conduit à quatre branches d’univers.

Malgré ses aspects évidemment fantastiques, cette théorie repose sur une base mathématique qui n’est pas dépourvue de solidité. L’univers réel global est représenté par une seule fonction d’onde d’une complexité gigantesque, qui n’est jamais «réduite » mais se scinde sans arrêt en branches dont chacune représente l’univers tel que nous le concevons. Les mathématiques de cette fonction d’onde globale sont telles que les différentes branches ne peuvent interagir, si bien que nous n’avons pas conscience de l’existence des autres branches (et donc des autres nous-mêmes). Elles sont telles également que dans chaque branche jouent les lois habituelles de la physique quantique, y compris la réduction du paquet d’ondes, ce qui explique les difficultés que nous rencontrons lorsque nous voulons expliquer notre branche sans tenir compte des autres.

Après avoir suscité beaucoup d’intérêt et de controverses au début des années soixante-dix, cette théorie semble un peu tombée en désuétude. On n’entend plus guère parler d’Everett et de Graham. Quant à DeWitt, il s’est orienté comme Wheeler vers des tentatives d’interprétation géométriques de la physique quantique. D’une manière générale les physiciens n’aiment pas le superflu, et la «surabondance d’univers » les heurte au moins autant que le vide plein cher à Vigier. Mais bien qu’il n’y ait apparemment plus de travaux sur cette théorie des univers parallèles, elle figure désormais dans presque tous les livres traitant de la physique quantique, en raison de sa profonde originalité et du fait qu’il est aussi difficile de la réfuter que d’y souscrire. On n’y croit pas, mais on l’admire.

Sven Ortoli, Jean-Pierre Pharabod dans Le cantique des quantiques

Une pièce musicale de Kitaro – Koi

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