Un voyage immobile

ImAGE s'élever

En dehors de la manne spirituelle qu’il en retire, en quoi [un ermite] peut-il contribuer au bien de la société humaine ?

Pour répondre […], il convient de considérer la motivation de l’ermite. Le déclic initial est généralement provoqué par un sentiment de lassitude et d’insatisfaction à l’égard des préoccupations ordinaires de la vie quotidienne : le gain et la perte, le plaisir et le déplaisir, la louange et la critique. Il ne s’agit pas pour l’ermite de renoncer à tout ce qui est bon dans l’existence, mais aux causes de la souffrance qui sont enfouies dans son propre esprit : l’agressivité, la confusion, l’avidité, l’arrogance et la jalousie.

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L’ermite ne se désintéresse nullement du sort de l’humanité, mais se rend compte que dans la situation qui est la sienne, il est non seulement incapable d’accomplir le bien d’autrui, mais il est aussi impuissant à construire son propre bonheur. Sa motivation essentielle est donc de se transformer lui-même pour mieux transformer le monde.

Pour ce faire, il doit impérativement consacrer un certain temps à engendrer en lui-même la force et la liberté intérieures qui sont indispensables pour faire face avec confiance, sagesse et sérénité aux aléas de l’existence et pour contribuer de manière éclairée au bien-être d’autrui.

L’ermite commence donc par comprendre que le bonheur authentique ne dépend pas fondamentalement des conditions extérieures mais de la transformation de son esprit et de sa manière de traduire les circonstances de l’existence en bonheur ou en mal-être. Il comprend que tant que l’on ne s’est pas débarrassé de la haine, de l’obsession, de l’orgueil, de la jalousie et des autres toxines mentales, il est aussi vain d’aspirer au bonheur que de souhaiter la fin de ses brûlures sans retirer sa main du feu.

Contrairement aux apparences, la motivation de l’ermite bouddhiste est fondée sur l’amour altruiste et la compassion. Son but est clair : se rapprocher de l’Éveil afin de devenir capable de remédier aux souffrances du monde.

Matthieu Ricard dans Un voyage immobile

Une pièce musicale de Logos – L’ermitage du Cachemire

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