Blanc comme neige

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J’ai accroché mon cerveau au portemanteau puis je suis sorti et j’ai fait la promenade parfaite.

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Sur le pont Alexandre-III à Paris un marchand cuit des marrons en leur évitant de charbonner, les présente dans un cornet à double soufflet – un pour les marrons, un autre pour les épluchures – et offre en plus un rince-doigts. Par son calme et son goût démodé de la perfection, il défait à lui seul la sinistre économie mondiale.

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La libellule, en me voyant, se fige sur la barrière. Je m’arrête pour la regarder. Le chariot de l’éternel avec ses roues de bois passe entre nous sans un bruit, puis la libellule revient à ses affaires et je poursuis ma promenade avec dans l’âme une nouvelle nuance de bleu.

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Il n’y a rien de plus à trouver dans cette vie que le « oui » qui définitivement l’enflamme.

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L’étirement du chat est un livre de sagesse qui s’ouvre lentement à la bonne page.

L’ombre et la lumière glissant sur les moustaches du chat, pourquoi me touchent-elles tant ? C’est comme si pendant une seconde j’avais tout compris de la vie en regardant ces barreaux de soie noire et blanche et qu’il n’y avait rien à comprendre, juste à s’émerveiller de jours aussi purs sous un ciel aussi léger.

Christian Bobin dans Un assassin blanc comme neige

Une pièce musicale de André Gagnon – Neiges

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