L’impatience

Le moine exprime son impatience : il veut accumuler la connaissance, satisfaire sa curiosité, de ne pas rester dans l’incertitude. Mais il est tellement pétri de son bon droit, qu’il fait presque des menaces au Bouddha. Or si la patience relève de la raison, l’impatience est irrationnelle. Sensation désagréable, elle est souffrance ; elle rend difficile la contrainte et l’attente, son excès révèle une personnalité peu éduquée, infantile et compulsive. Aussi l’histoire traite-t-elle cet homme de fou.

Le nom patience trouve sa racine dans le verbe pâtir, d’où dérivent aussi les termes « patient » : celui qui est malade, et « passion » : attraction émotionnelle forte et subie. La patience n’est donc pas une vertu facile. D’une part, elle indique une capacité de supporter avec abnégation les difficultés, ennuis, irritations, déceptions et autres contrariétés que la vie nous apporte au quotidien. D’autre part, elle désigne la capacité de soutenir un effort continu, de persister dans une tâche ou un projet en dépit des obstacles. Comparativement, le premier sens est passif, le second actif, mais ils renvoient tous deux à une certaine force d’âme.

La patience est une nécessité, tant pour penser, comme le recommande Descartes qui nous met en garde contre la précipitation, que pour poser une action juste, qui présuppose plutôt calme et prudence. Malheureusement, l’humain est un être avide qui trop souvent veut beaucoup et plus, en général immédiatement. Il supporte difficilement la frustration. Comme toutes les vertus, la patience exige un travail sur soi, ce qui implique initialement une souffrance. « Patience et longueur de temps font plus que force ni que rage », nous dit La Fontaine. Or le temps est à la fois une condition et un obstacle pour toute réalisation. Comme toute limite ou règle du jeu, il représente un défi : il s’agit d’apprendre à le gérer, en l’acceptant et en le transformant.

La patience pose problème principalement dans l’ennui et la douleur et non dans les moments de plaisir et d’intérêt. Aussi trouvons-nous deux voies pour travailler la patience : dans l’effort et la contrainte d’une part, en se faisant violence, mais aussi dans notre capacité de profiter de l’instant présent, en apprenant à jouir de la tranquillité, sans crainte de l’ennui. Mais cela n’est pas évident car nous vivons dans un monde de sollicitations permanentes, où nous redoutons toute mise à l’épreuve de notre fébrilité « naturelle ».

Oscar Brenifier et Isabelle Million dans Sagesse des contes bouddhistes – Exercices philosophiques

Une pièce musicale de Alexandra Stréliski – The Quiet Voice

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