Alors que Tchouang-tseu pêchait dans la rivière P’ou avec sa ligne de bambou, deux hauts fonctionnaires du roi Tch’ou vinrent et lui dirent en lui tendant un document officiel :
– Monsieur, le roi demande que vous veniez au palais et que vous le serviez en tant que Premier Ministre.
Tchouang tenant sa ligne de bambou et sans se retourner, répondit :
– J’ai entendu dire qu’à Tch’ou, il y a une tortue sacrée qui mourut il y a trois mille ans.
Le roi conserve sa carapace entourée de soie et enfermée dans une boîte en or massif sur un autel du temple.
Qu’en pensez-vous ?
Si vous étiez cette tortue, préféreriez-vous être vénéré de la sorte, ou plutôt être à nouveau en vie, à ramper de-ci de-là, en traînant sa queue dans la boue ?
– Plutôt vivre et traîner sa queue dans la boue, répondirent les fonctionnaires.
Tchouang-tseu dit alors :
– Retournez chez vous messieurs, faites mes compliments à sa Majesté et dites-lui que je suis heureux ici à ramper et traîner ma queue dans la boue.
*
Cesse de vouloir être important
Que tes pas ne laissent aucune trace
Voyage seul comme le Tao
Au pays du grand silence
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Quand tu te disputes avec la réalité, tu perds. Il en a toujours été ainsi. C’est pourquoi je ne me plains pas le moins du monde.
Stephen Mitchell dans L’éternelle sagesse du Tao, le rire de Tchouang-tseu
Une pièce musicale de Richard Warner – Tao