Voyages et aventures de l’esprit

Nul n’éprouva avec plus d’intensité que Yang Steou l’horreur de la contrainte, des mœurs factices, des codes imposant aux individus une attitude en contradiction flagrante avec les injonctions impératives de la nature en eux.

Pas de commandement ! Vis ta vie ! Vis ton instinct ! Laisse ton organisme s’épanouir et évoluer selon la loi intime de ses éléments constitutifs. Sois toi-même !

La paisible assurance avec laquelle il écarte les principes les plus enracinés, jette bas les devoirs les plus indiscutés, a troublé ses traducteurs chrétiens.

Yang Steou nous inspire cette résolution audacieuse ― et plus ardue qu’on ne pense ― de vivre par nous et pour nous, toute la vie que nous pourrons embrasser dans notre étreinte, retenir dans notre cœur et dans notre esprit, une telle leçon de virile et intelligente énergie sera plus que jamais, sans doute, utile et bienfaisante.

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Plus je travaille sur son œuvre plus je pense que René Grousset du musée Guimet avait raison lorsqu’il disait : « Il y a deux Alexandra David Néel : celle qui écrit et celle qui sait. »

Et même quand je pense à sa paralysie, je ne peux qu’être admirative : elle avait une volonté d’acier et un orgueil démesuré qui l’empêchaient de se laisser aller et elle s’est déplacée jusqu’au bout, à l’aide de cannes, en lançant ses jambes en avant ; elle disait : « Moi je marche sur mes mains ! »

Il faudrait inventer des mots pour parler de cette femme, son regard, sa parole, ses gestes, tous ses actes exprimaient l’énergie ; c’était un monument d’énergie qui ne fut vaincu que par la mort… et encore je n’en sais rien !

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D’ailleurs, elle n’admettait pas que chez ceux qu’on appelle des maîtres, qu’ils soient universitaires ou autres, il y ait séparation entre la pensée émise, enseignée et l’existence vécue. Pour elle, quelqu’un de préoccupé par les choses de l’esprit devait mener une vie digne de l’élévation de son raisonnement. La théorie ne s’avérant valable que confrontée et prouvée par l’existence pratique.

Oui, elle était très dure dans ses jugements. Vous m’avez dit un jour que, parlant justement des maîtres, elle avait dit : « Ceux qui sont restés honnêtes, c’est qu’ils n’ont pu faire autrement. » C’était pourtant une spiritualiste elle-même…

Alexandra David-Néel dans Voyages et aventures de l’esprit

Une pièce musicale de Kitaro – Spiritual garden

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