L’œil qui me regarde

Il y a dans chaque regard, qu’il soit humain ou animal, une magie particulière qui fait parfois entrevoir le tréfonds de l’Être et son mystère.

J’ai toujours aimé les visages, non seulement avec « crainte et tremblement » devant tant de fragilité, mais avec stupeur et émerveillement : comment de ce grand gaz de galaxies qu’est l’univers peut émerger cette matière qui a un visage et dans ce visage des yeux, et dans ces yeux un regard, qui fait de la nature non seulement une chose vu ou à voir mais une nature, une matière qui me voit et me regarde ? Oui, « ça » me regarde !

J’aimais dire que la différence qu’il y a entre Dieu et la nature c’est la différence qu’il y a entre le bleu du ciel et le bleu d’un regard, et que le visage d’un enfant qui meurt n’est pas le visage d’un nuage qui se défait.

Un visage, n’est pas que la somme des agrégats qui le constituent, il y a « quelque chose d’autre » : « quelqu’un » ?

Quelqu’un qui me regarde et que je peux alors non seulement « voir » mais « rencontrer ».

On voile le visage de l’homme que l’on tue pour qu’on ne se sente pas regardé par lui.

L’oubli ou le refus du visage des humains pourrait conduire à leur effacement, à leur réduction, à la poussière et à la cendre. Les chambres à gaz ne seraient alors que l’application des « lois de la nature » aux surpopulations ou aux populations indésirables : la loi du carbone, « Rien ne se perd tout se transforme »

La valeur et le sens de notre vie vaut que par le regard sous lequel on se place. La vie de l’autre et de la nature vaut que par le regard sous lequel on les place : un regard qui envisage ou un regard qui dévisage, une lumière instauratrice ou une lumière réductrice…

Jean-Yves Leloup dans Revue Question de n°2 La Nature miroir du divin

Une pièce musicale de Canon in D (Pachelbel’s Canon)

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