Qui suis-je ?

La grande question est posée : qui est-on véritablement ?

On est généralement tenté de répondre par une formule simple, visant à souligner que l’on est ceci ou cela. Mais force est de constater que, dans bien des cas, ladite réponse est loin d’être satisfaisante, car en réalité elle ne cerne qu’une facette de notre personnalité.

Je suis un corps, mais je suis aussi un personnage, un rôle social, un individu plus ou moins imprégné d’une culture, d’un passé, et encore un esprit, un caractère, un tempérament… Autant de formes de connaissance qui peuvent me définir, mais qui, au bout du compte, ne disent pas l’essentiel sur mon être le plus intime.

On pourra bien sûr affirmer, en toute logique, que ce que l’on expérimente concrètement dans la vie est l’exacte émanation de ce que l’on est au plus profond de soi, il n’en demeure pas moins que le fait de savoir quels sont mon métier, ma situation sociale ou mes goûts culturels peut correspondre à des milliers d’autres personnes qui ont la même « identité collective » et, de ce fait, ne me désigne pas avec une totale précision. De toute évidence, ma véritable identité personnelle est donc ailleurs.

Et c’est bien là toute l’ambiguïté du sujet : nous pouvons répondre à quasiment toutes les questions sur notre existence à l’extérieur de nous-mêmes, notre place dans la société et nos rapports avec les autres, mais nous sommes bien maladroits – voire impuissants – dès lors que nous nous tournons vers l’intérieur de notre être. Comme si notre conscience se trouvait soudain face à un mur invisible, un no man’s land indicible terriblement difficile à pénétrer.

Certains se contenteront de cette « conscience extérieure » de soi, ne cherchant pas davantage à s’infiltrer dans les profondeurs de leur esprit, sur les chemins tortueux et invisibles empruntés chaque minute, chaque heure, chaque jour par une pensée aux jaillissements souvent incontrôlés. Ils opteront, sans états d’âme, pour les raccourcis bien pratiques et sécurisants des définitions extérieures.

Mais, pour les autres, tous ceux dont l’attente ne peut se satisfaire de demi-réponses, des seules caractéristiques sociales et biologiques, et qui veulent en avoir le cœur net sur la réalité de leur existence, ce sera le début d’une longue quête.

Car venir à la rencontre de soi peut se décider en un instant, mais il faut bien souvent du temps, beaucoup de temps, pour soulever une à une les couches de la superficialité ambiante et parvenir là où, loin des affres de la matérialité, tout a commencé, où tout se décide et se vit le plus intensément à chaque instant, dans le souffle et les vibrations originelles d’une vie.

Les spécialistes les plus éminents s’accordent à reconnaître que se réduire à des déterminations purement extérieures pour définir sa propre personne ne peut conduire qu’à un « évitement permanent » de l’essentiel, de ce qui nous distingue intrinsèquement de chacun des milliards d’individus qui peuplent cette planète. Ce peut être un choix volontaire, mais il faut savoir qu’il restera toujours parcellaire et ne conduira jamais à une connaissance totalement objective de soi.

L’autre choix, qui se présente à quiconque veut en avoir le cœur net sur la véritable nature de son existence, est celui de l’introspection, de l’objectivité la plus totale envers ce que l’on va trouver au fond de soi. En une intériorisation qui a tous les accents d’un défi lancé à notre être profond. Car c’est bien là, en réalité, face à soi-même, que tout se joue, que tout commence et finit.

Bernard Baudouin dans Le grand livre de la connaissance de soi – De Confucius à Bergson

Une pièce musicale de Peter Kater – Heaven’s Window 

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