Geste libérateur

Le grand poète yogi Milarépa explique en quelques phrases la pratique de la méditation Mahamudra.

Tout d’abord l’esprit se libère de son agitation et la contemplation devient possible. Alors naît et se développe la « pureté lumineuse » de chiné, l’expérience de la paix intérieure. C’est le premier stade de la voie vers l’éveil à notre nature véritable, comme on le verra plus précisément.

Puis vient llag-tong, la vue profonde qui permet de réaliser la « sphère vide de représentations ». Mais auparavant le disciple doit avoir développé la compassion, ne pas réaliser seulement l’éveil pour soi, mais pour tous les êtres.

C’est donc un processus très précis que Milarépa compare aux barreaux d’une échelle que l’on gravit progressivement. C’est ce cheminement que décrit Tashi Namgyal.

Il est important de dire que cet éveil mène au-delà du samsara et du nirvana comme le souligne le soutra du cœur qui est récité dans les monastères bouddhistes du Tibet depuis des siècles.

Cela est fondamental car le bouddhisme des origines opposait le nirvana, l’état de libération, et le samsara, le devenir, qui nous emprisonne dans l’illusion. Un des fruits du Mahamudra est précisément la réalisation de l’essence originelle, au-delà de cette distinction, au-delà de toute dualité. Le monde est nirvana, le monde est extase. Tous les objets, tous les événements, même les pires sont de la nature de cette essence lumineuse et béatifique qui constitue le Réel. Mais cela est la fin du chemin…

Comme le dit Tashi Namgyal, la non-dualité peut seulement être affirmée par celui qui la réalise. Si elle demeure uniquement théorique, elle peut devenir un piège et certains sont très habiles dans la manipulation du langage non duel.

J’ajouterais une chose qui nous concerne, nous autres, humains du XXIe siècle : parmi la multitude des livres qui paraissent, très peu sont des ouvrages essentiels. Le Mahamudra fait partie de ces quelques ouvrages qui concernent l’être humain dans son essence.

Je me souviens, dans les années soixante-dix, on avait demandé à des auteurs quels étaient les trois livres qu’ils emporteraient s’ils devaient partir définitivement sur une île déserte. Un des auteurs avait répondu Le Capital de Karl Marx ! Passer sa vie sur une île déserte à lire le Capital. L’être humain est vraiment une créature surprenante ! D’une certaine manière, nous sommes tous en partance pour une île déserte et il est peut-être bon de s’intéresser à des choses essentielles pour notre vie.

Erik Sablé dans Le grand geste libérateur. Le cœur de la méditation dans le bouddhisme tibétain

Une pièce musicale Milarepa 2006 OST – Padmakara

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