Rilke Correspondance

Nous sommes les abeilles de l’Univers. Nous butinons éperdument le miel du visible pour l’accumuler dans la grande ruche d’or de l’invisible.

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Sans cesse, j’ai dû refaire l’expérience qu’il n’est guère de chose plus ardue que de s’aimer. Que c’est du travail, du travail à la journée, Friedrich, à la journée. Dieu le sait, il n’y a pas d’autre mot. Au surplus, il se trouve que les jeunes gens ne sont nullement préparés à cette difficulté qu’est l’amour ; de cette relation extrême et complexe, les conventions ont essayé de faire un rapport facile et frivole, lui ont donné l’apparence d’être à la portée de chacun. Il n’en est pas ainsi.

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Lettre à Lou Andrea Salomé du 08 août 1903 (à propos de Rodin) :

Il avait tout au fond de lui l’obscurité, le refuge et le calme d’une maison, et lui-même était le ciel par-dessus, était la forêt tout autour, et l’étendue, était le fleuve qui coulait à jamais devant. Quel solitaire, ce vieillard abîmé en lui-même, debout, plein de sève, comme un vieil arbre en automne. Il s’est fait profond ; il a creusé une profondeur à son cœur, dont les battements viennent de loin, comme du centre d’une montagne.

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Là où je crée, je suis vrai; et j’aimerais trouver la force de fonder ma vie totalement sur cette vérité-là, sur cette simplicité et cette joie infinies qui parfois me sont accordées.

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Borgeby Gard, Fladie, Suède, le 12 août 1904

Et s’il me faut vous dire encore une chose, que ce soit celle-ci : celui qui s’efforce de vous réconforter, ne croyez pas, sous ses mots simples et calmes qui parfois vous apaisent, qu’il vit lui-même sans difficulté. Sa vie n’est pas exempte de peines et de tristesses, qui le laissent bien en deçà d’elles. S’il en eût été autrement, il n’aurait pas pu trouver ces mots-là.

Rainer Maria Rilke dans Œuvres 03 : Correspondance

Une pièce musicale de Jean-Michel Blais – Ad Claritatem Domine

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