C’était bien

A côté des horreurs qui n’avaient jamais cessé de s’enchaîner les unes aux autres et en attendant les désastres qui ne pouvaient manquer de survenir, il y avait aussi des roses, des instants filés de soie à toutes les heures de la journée, de vieilles personnes irascibles qui laissaient derrière elles un souvenir de tendresse, des enfants à aimer, de jolies choses à lire, à voir, à écouter de très bonnes choses à manger et à boire, des coccinelles pleines de gaieté sous leur damier rouge et noir, des dauphins qui étaient nos amis, de la neige sur les montagnes, des îles dans une mer très bleue.

J’étais plutôt porté au rire et à dire oui qu’aux larmes et à dire non.

Plutôt à la louange et à l’émerveillement qu’à la dérision ou à l’imprécation. J’étais une exception.

Quelle chance ! Il y a toujours avantage à être un peu invraisemblable.

*

Ne vous laissez pas abuser.

Souvenez-vous de vous méfier.

Et même de l’évidence : elle passe son temps à changer.

Ne mettez trop haut ni les gens ni les choses.

Ne les mettez pas trop bas.

Non, ne les mettez pas trop bas.

Montez.

Renoncez à la haine: elle fait plus de mal à ceux qui l’éprouvent qu’à ceux qui en sont l’objet.

Ne cherchez pas à être sage à tout prix.

La folie aussi est une sagesse.

Et la sagesse, une folie.

Fuyez les préceptes et les donneurs de leçons.

Jetez ce livre.

Faites ce que vous voulez.

Et ce que vous pouvez.

Pleurez quand il le faut.

Riez.

J’ai beaucoup ri.

J’ai ri du monde et des autres et de moi.

Rien n’est très important.

Tout est tragique.

Tout ce que nous aimons mourra.

Et je mourrai moi aussi.

La vie est belle.

Jean d’Ormesson dans C’était bien

Une pièce musicale de La Vita è Bella – La Vita è Bella

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