Apaiser

Pour réussir à éradiquer le terrorisme, nous devons commencer par écouter nos concitoyens avec la plus grande attention. Beaucoup parmi nous ont le sentiment d’être victimes de discrimination, d’injustice et d’exclusion. Les pauvres, les sans-abri, les minorités, les immigrants, les homosexuels, les bisexuels, les transsexuels, les juifs, les musulmans, les personnes âgées, les malades du sida et beaucoup d’autres se sentent souvent exclus. Notre nation n’a pas encore réussi à entendre la souffrance de son propre peuple.

Il y a déjà trop de souffrance dans ce pays. Nous nous activons à faire autant de choses que possible, nous nous réfugions dans un rythme de vie toujours plus rapide et intense. Plus nous nous affairons, plus la souffrance grandit. Les gens souffrent à un point tel qu’ils ne peuvent en supporter davantage. Nous ne dormons pas bien la nuit et nous n’avons aucun plaisir dans la journée. Nous ne pouvons pas nous intéresser à la souffrance qui existe dans d’autres pays alors que nous souffrons autant nous-mêmes. Être en contact avec plus de souffrance ne fait que nous submerger et nous paralyser.

Nous devons tous souffrir moins pour pouvoir restaurer une sorte d’équilibre intérieur. C’est seulement alors que nous pourrons accomplir des efforts significatifs et efficaces pour édifier la paix dans le monde. Si nous limitons notre activité et notre consommation permanentes, nous serons en mesure de reconnaître qu’il y a en nous une souffrance née de l’ignorance, de la colère et de la peur. Pour soulager ces tensions, nous pouvons pratiquer la respiration et la marche, et ralentir nos gestes. En tant que pays, nous pouvons entrer en nous-mêmes, reconnaître notre souffrance et l’accueillir. En pratiquant la pleine conscience, nous voyons que notre peur et notre colère sont nées dans notre propre pays ; elles n’ont pas été importées d’ailleurs. En tant que nation, nous pouvons générer une conscience collective pour accueillir notre peur et notre colère. Ensemble, avec assez de sensibilité, d’éveil et de sagesse, nous pouvons accueillir notre souffrance. Quand on se sent mieux, on voit les choses plus clairement et on sait ce qu’il faut faire et ce qu’il ne faut pas faire dans les situations de conflit.

Thich Nhat Hanh dans Apaiser l’esprit face à la violence. La réponse du zen au terrorisme

Une pièce musicale de F. Schubert: Ständchen (Schwanengesang) – Valérie Milot, harp/harpe