Photo – Albara Cabrera

Être rien est autre chose que n’être rien, naître rien …

Le rien me fascine par sa vastitude, son infinité de possibles, son absence d’injonctions.

J’aspire chaque jour à être « rien », indéfinie, infinie, libre d’être tout.

Comme beaucoup j’ai commencé par répondre à l’injonction faite à l’enfant de travailler pour avoir un métier, une situation, bonne de préférence, pour devenir quelqu’un. 

Ce mot d’ordre qui nous dit implicitement qu’être ne suffit pas. 

Alors on s’évalue et évalue les autres à l’aune de ce que nous faisons, de ce qu’ils font.

Perdre son travail, échouer professionnellement, c’est être définitivement insuffisant, insignifiant, c’est « ne pas être », n’être rien.

Ceux qui ne se sentent pas satisfaits par leur métier, qui se sentent, à tort ou à raison, méprisés de ce qu’ils font, angoissent, dépriment, se refusent toute valeur, et finissent souvent, inconsciemment sans doute le plus souvent, de se définir par d’autres biais, d’autres étiquettes.

Nous nous enfermons, nous limitons, perdons notre être.

Quand j’ai choisi de quitter mon travail, il m’a fallu composer avec la perte de ce statut social, et apprendre à me détacher tout à fait de cette référence pour réapprivoiser l’être en moi, pour oser dire je suis, plutôt que je fais.

Le grand vertige a été là je crois et non pas dans la perte de revenus.

N’être plus ceci cela, n’être plus définissable, ni inconnue, ni reconnue, jusqu’à ce que pas à pas, j’épouse l’immensité d’être. 

Être, consciemment, rien de plus que ces grains de poussières qui dansent librement, dans la lumière du soleil, et ne rien vouloir d’autre.

Insaisissable comme le vent qui se joue des frontières et qu’aucune main de peut saisir.

Vaste comme le ciel, et variable comme lui.

Je suis l’odorat qui se régale des parfums printaniers, la vue qui s’émerveille de la beauté du monde, l’ouïe qui jouit du chant des oiseaux, je suis le battement de mon cœur qui se réjouit et change de rythme quand il rencontre un autre être.

Je suis ma respiration ..

Je suis, rien de plus que le brin d’herbe, le caillou, la feuille qui s’envole, l’eau vive qui suit son chemin …

Je suis comme tout ce qui est, comme rien de ce qui est.

Le rien permet d’être qui on est dans l’instant où on l’est, exonéré de répondre à quelque attente.

Être rien.

Être, juste être.

Angélica Mary

www.angelica-mary.fr

Une chanson de Damien Rice – It Takes a Lot To Know a Man

Les paroles en français sur https://www.lacoccinelle.net/947909.html