Femme à venir

Bien peu de gens savent aimer, parce que bien peu savent tout perdre.

*

Il y a des chemins en moi, des impatiences. je dois les épuiser.

*

Voyager, c’est une fête : on met la clef sous la porte, on se laisse à l’intérieur. On se donne rendez-vous à l’étranger. On regarde les rues, le ciel et les maisons. On se regarde soi-même dans les vitrines, étonné d’être où l’on est – c’est à dire ailleurs. On a changé. On est aussi neuf que ce que l’on voit.

*

C’est une chose fragile que la lumière du jour. On y grandit. On y marche. On y attend quelque chose, on ne sait trop quoi. Oui, mais voilà : où trouver la force d’attendre, quand le visage aimé est recouvert de terre ? Toute lumière nous venait de ce visage. Maintenant on n’y voit plus.

*

C’est la voix qui donne l’âge vrai.

C’est la flamme d’une parole qui renseigne le mieux sur l’âge des gens.

*

Tout est trop bien rangé, trop propre, trop net. Manque la fine harmonie du désordre. Manquent les échos entre la voix d’un enfant, la colère d’une eau qui bout, le pas d’une femme sur la laine rouge d’un tapis. Manque l’essentiel.

*

Du temps passe. A vingt ans, on danse au centre du monde. A trente, on erre dans le cercle. A cinquante, on marche sur la circonférence, évitant de regarder vers l’extérieur comme vers l’intérieur. Plus tard c’est sans importance, privilège des enfants et des vieillards, on est invisible.

*

La musique libère du mensonge de parler.

Christian Bobin dans La femme à venir

Une pièce musicale de Shawn Phillips – She Was Waiting For Her Mother At The Station In Torino And You Know I Love You Baby But It’s Getting Too Heavy To Laugh

Les paroles en français sur http://paroles-traductions.com/chanson/montrer/1357929/shawn-phillips/paroles-et-traduction-woman-of-the-land/

2 réflexions sur “Femme à venir

Laisser un commentaire