Mozart et la pluie

Dans ce geste de l’enfant, j’ai revu le tien, ta manière de prendre soin de ceux que tu aimes, ton souci des plus petites choses. Je suis maladivement attentif à ce genre de détails. Rien ne me bouleverse plus dans cette vie que ces gestes pauvres, indispensables pour que le jour succède au jour. Mes maîtres sont des musiciens, des poètes, des peintres, des mages. Mes maîtres sont des petits enfants.

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Un tête-à-tête permanent avec Dieu, dans cette vie, serait accablant. Il faut à l’amour un peu d’absence.

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J’ai dans le cœur un arbre. Les grands airs de Mozart font luire ses feuilles comme sous le sacre d’une pluie d’été.

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L’amour est une matière plus dure que le diamant, donnée sans condition par Mozart quand Mozart joue, donnée par le silence, la solitude, la pluie et la lumière quand Mozart dort.

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Les mains aristocratiques des nouveaux nés, délicatement fermées sur une prise invisible, et le bégaiement de deux notes dans une sonate de Mozart, sont deux bons exemples de ce qu’est un miracle.

J’aimerais savoir prier, j’aimerais savoir appeler au secours, j’aimerais savoir remercier, j’aimerais savoir attendre, j’aimerais savoir aimer, j’aimerais savoir pleurer, j’aimerais savoir ce qu’on ne peut apprendre, je ne le sais pas, je ne sais que m’asseoir et laisser Dieu entrer pour faire le travail à ma place, Dieu ou le plus souvent, il ne faut pas trop exiger, un de ses intermédiaires, la pluie, la neige, le rire des enfants, Mozart.

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Les moments les plus lumineux de ma vie sont ceux où je me contente de voir le monde apparaitre. Ces moments sont faits de solitude et de silence. Je suis allongé sur un lit, assis à un bureau ou marchant dans la rue. Je ne pense plus à hier et demain n’existe pas. Je n’ai plus aucun lien avec personne et personne ne m’est étranger. Cette expérience est simple. Il n’y a pas à la vouloir. Il suffit de l’accueillir, quand elle vient. Un jour tu t’allonges, tu t’assieds ou tu marches, et tout vient sans peine à ta rencontre, il n’y a pas à choisir, tout ce qui vient porte la marque de l’amour.

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Dieu descend à terre aussi naturellement que la musique de Mozart monte au ciel, mais il nous manque l’oreille pour l’entendre.

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Les heures silencieuses sont celles qui chantent le plus clair.

Christian Bobin dans Mozart et la pluie

Une pièce musicale de Mozart: Rondo in D Major, K.485

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