Cette année encore

Cette année encore, les lucioles sont apparues. Innombrables. L’année dernière, j’ignorais que c’étaient des lucioles miniatures. En comparaison des autres, lucioles genji ou heike, elles sont infiniment plus petites. À peine cinq millimètres sur le doigt qui s’en empare délicatement. À la différence des autres lucioles qui ne peuvent naître que près des eaux claires, les princesses sortent de terre. Elles pondent leurs œufs sur l’humus, les feuilles mortes ou les branches d’arbre tombées, elles vivent aussi dans les bois. Est-ce à cause de l’intensité de leur activité, non seulement près de l’eau de source, mais aussi dans la forêt profonde, elles brillent de leur belle lumière phosphorescente. Les lucioles qui s’étaient posées sur le blanc immaculé des fleurs m’ont donné l’impression d’une illumination féerique d’un vert merveilleux. Les mâles ne peuvent pas voler, mais ils ont le pouvoir d’émettre de la lumière, et ils se déplacent sur les arbres, sur les feuilles. Cette lumière vive clignotait un peu partout sur le marais.

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Dans le calme de la péninsule, on s’aperçoit bien vite à quel point la télévision est vulgaire et gênante. Contrairement à la musique que je peux choisir selon mes goûts, j’ai beau changer de chaîne, je ne tombe que sur des émissions abrutissantes. Alors, j’éteins le poste et je sors sur la véranda.

Est-ce Buson qui a chanté l’« aveuglante lumière de la lune sur les rochers d’hiver » ? On croit entendre le craquement de la lumière sur les branches, sur la moindre pierre. Les ombres noires dans la forêt, la rangée des petits arbres devant l’entrée, la route qui passe devant la maison en plan incliné, tout déborde du crépitement silencieux des éclats tranchants du clair de lune. Moi, je me penche sur la profondeur des ténèbres silencieuses où ni voiture ni âme ne passe, et mon oreille savoure l’ineffable plaisir d’être absorbée par la densité du silence.

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Les Kawahara sont allés tous les deux au jardin et ils ont coupé pour moi une branche de pêcher qui commençait à fleurir. J’hésitais, me demandant comment j’allais pouvoir l’emporter. Kawahara, qui ne parle pas beaucoup, a dit : « Qu’est-ce-que ça peut faire, si les fleurs se fanent ? Il suffit qu’elles tiennent aujourd’hui. »

Inaba Mayumi dans La péninsule aux 24 saisons

Une pièce musicale de Beethoven: Symphony No. 6, 4th movement | Paavo Järvi & the Deutsche Kammerphilharmonie Bremen

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