Le Zen des samouraïs

Depuis toujours, j’ai été comme un cours d’eau

Et des nuages flottants.

J’ai vécu à tort dans un temple célèbre.

C’était au printemps, dans les rues violettes.

Je ne veux plus de cela.

Demain matin, je serai au Sud, sur la côte marine.

La mouette blanche ne vole pas du tout

En direction des poussières rouges.

*

Puits montagnard peu profond,

Cela ne me gêne pas,

S’il y a quelqu’un

Qui y puise de l’eau,

J’en suis satisfait.

*

En novembre 1645, Takuan tombait malade au Tôkaï-ji et le 11 décembre, à la demande des moines, il traça une calligraphie ; en gros caractères : « Rêve », puis en petits caractères :

Cent ans, trente-six mille jours.

Maïtreya et Avalokitesvara,

Combien de oui et de non ?

Oui est aussi un rêve,

Non est aussi un rêve.

Maïtreya est un rêve,

Avalokitesvara est aussi un rêve.

Le Bouddha a dit : Il faut contempler ainsi.

Posant son pinceau, Takuan mourut. Il était âgé de soixante-treize ans.

Le temple Tôkaï-ji, du quartier Shinagawa de Tokyo, conserve encore aujourd’hui la robe de Takuan, des pinceaux, une flûte, et surtout l’ultime calligraphie dont nous venons de parler. Dans le jardin de ce temple, se trouve un tombeau constitué de roches non travaillées. La forme triangulaire de la pierre levée évoque une gravité imposante : c’est le tombeau de Takuan.

Le temple Shôun-ji, de la ville de Sakaï, conserve un portrait de Takuan peint en couleur sur soie. Dans la partie supérieure se trouve une stance calligraphiée par Takuan lui-même, datée de mars 1639. Takuan avait alors soixante-sept ans, six ans avant sa mort. La peinture est due à une commande de son disciple Sôbô. Ce portrait est dans la tradition de tous les portraits de Maîtres du Zen. Le visage de Takuan et les lignes du dessin sont doux. La coloration est très minutieuse, ce qui donne à l’ensemble beaucoup de dignité. On peut dire qu’il s’agit là de l’un des meilleurs portraits du début de l’époque Edo.

Maître Takuan (1573-1645) fut un moine zen de la branche Rinzai. Il a été le conseiller spirituel du troisième shôgun des Tokugawa, comptait parmi ses disciples un empereur du Japon, plusieurs daimyo (princes ou grands seigneurs) et de nombreux maîtres du kenjutsu, l’art martial du sabre.

L’influence du bouddhisme zen sur l’éthique des samouraïs ou bushido et, par là, sur les arts martiaux, constitue un trésor spirituel reconnu, notamment à travers le célèbre Traité des Cinq Roues de Myamoto Musashi. Les textes réunis ici, Mystères de la sagesse immobile, Contes nocturnes de la mer Est et Limpidité sont trois classiques qui enseignent à chacun comment mener une vie droite et honorable à la lumière du Zen et du bushido.

Takuan Soho dans Le Zen des samouraïs

Une pièce musicale de Hans Zimmer – A Way of life