La déclaration sur la culture

Comme le poisson vit dans l’eau, l’être humain vit dans un univers culturel, car il n’a pas le choix que de naître quelque part, d’une certaine manière.

La culture n’est pas un statut juridique. Ce n’est pas une question de droit. Ce n’est pas un vernis folklorique comme on l’a souvent pensé au Canada. Ce n’est pas une carte d’identité valide non plus. Non, la culture, c’est tout un être humain au complet. Et ce sont des êtres humains au complet.

La culture commence par une langue maternelle. On ne peut pas faire comme si nous ne parlions pas une langue; et une langue en particulier. On dit en français langue maternelle. C’est-à-dire que la langue qu’on a premièrement entendue, c’est la voix de sa mère. La langue maternelle, c’est une sorte de matrice dans laquelle le monde est représenté et organisé. C’est l’organisation des concepts et des images. Ce sont des sensibilités, un monde transmis par la mémoire intelligente d’une communauté qui est inscrite dans le temps et dans l’espace. Disons dans l’histoire. Les langues transportent avec elles une vision du monde.

Une culture, c’est aussi une nostalgie. C’est surtout une nostalgie. C’est une référence et c’est un point d’ancrage. Chaque individu humain se réfère à un noyau culturel qui est une mémoire complexe et fine. Et ça comprend tout. Les paysages, les sons de la langue mère, et les odeurs, dont la mémoire est l’une des choses les plus fortes chez l’humain. Des éclairages, des atmosphères, des visages, des histoires dites et redites, de la musique, du train-train quotidien. Alors imaginez-vous : nourriture, boisson, parfum, tout y passe. Des sentiments jusqu’aux faits remarquables et du détail jusqu’à tout.

D’ailleurs souvent, les détails nous échappent. La chronologie s’embrouille et le regard fait défaut, mais c’est très bien comme ça car la nostalgie n’a pas un rapport objectif au monde. Bien au contraire, c’est un élan subjectif qui est plus fort que nous. C’est une vague profonde qui nous définit un à un. Pensez-y, nous sommes tous pris dans une nostalgie intime qui est celle de notre jeunesse.

Nous sommes tous des voyageurs dans le temps et quand nous vieillissons, le sentiment du voyage se fait de plus en plus insistant. L’impossibilité de retourner sur nos pas devient alors de plus en plus clair et c’est cette impossibilité qui nous réunit dans l’universel.

C’était ma déclaration.

Serge Bouchard (1947-2021) est un anthropologue, écrivain et animateur de radio québécois.

Serge Bouchard, extrait de l’émission « Les Chemins de travers », 13 juin 2010

Une pièce musicale de Richard Séguin – Quand on ne saura plus chanter

Les paroles sur https://lyricstranslate.com/fr/richard-seguin-quand-ne-saura-plus-chanter-lyrics.html