Lettre aux écoles

Question : Mais que signifie voir le tout ? Vous dites cela souvent. Qu’entendez-vous par là ?

Krishnamurti : La pensée divise parce qu’en elle-même, elle est limitée. Observer totalement implique la non-intervention de la pensée. C’est observer sans que le passé, sous forme de savoir, bloque l’observation. Alors, il n’y a pas d’observateur car l’observateur est le passé et le passé est la nature même de la pensée.

Q : Nous demandez-vous d’arrêter la pensée ?

K : C’est là encore, si j’ose dire, une question fausse. Si la pensée se force à cesser de penser, elle crée la dualité et le conflit. C’est là le processus même de division propre à la pensée. Si vous saisissez vraiment cette vérité, alors, naturellement la pensée est en attente. Elle a alors sa propre place, une place limitée et elle ne s’approprie pas tout le champ de la vie, comme elle le fait à présent.

Q : Monsieur, je vois quelle extraordinaire attention il nous faut. Suis-je vraiment capable de cette attention ? Suis-je assez sérieux pour consacrer à cela toute mon énergie ?

K : L’énergie peut-elle jamais être tant soit peu divisée ? L’énergie dépensée pour gagner sa vie et fonder une famille, et pour être assez sérieux afin de saisir ce qui est dit, tout cela est énergie. Mais la pensée divise et, ainsi, nous dépensons beaucoup d’énergie pour l’un et très peu pour l’autre. L’art de vivre est l’art dans lequel il n’y a pas de division. C’est la totalité de la vie.

Jiddu Krishnamurti (1895-1986) : Il fut un libre penseur, qui s’est promené dans le monde. Il est considéré comme l’un des grands penseurs et maîtres spirituels. Il ne proposait aucune philosophie ou religion. Il expliquait avec minutie les subtils mécanismes de l’esprit humain, et il insistait sur la nécessité d’introduire une qualité profondément méditative et spirituelle dans notre vie de tous les jours. Il n’appartenait à aucune organisation, aucune secte, à aucun pays, ne s’inscrivait dans aucun courant de pensée, politique ou idéologique. Il affirmait tout au contraire que ce sont là les véritables facteurs qui divisent des hommes et entraînent les conflits et les guerres. Citation : Ce que je vous demande, c’est d’ouvrir votre esprit, non de croire.

Jiddu Krishnamurti dans Lettre aux écoles N° 24. Vol.1

Une pièce musicale de Gounod: Méditation sur le 1er Prélude de piano de J.S. Bach