Puissance du cœur

La voie du cœur, qui s’arrache à tout émotionnel, à tout usage du pathos, est celle de la connaissance spirituelle, avec ce que cela suppose de recherche, d’étude, de réflexion, de silence, de discernement, d’écoute et d’expérience intérieure personnelle… Rude chemin mais chemin d’amour, cette connaissance faisant appel aux élans et aux ressources du cœur tels que l’enthousiasme, le désir, l’ardeur, l’émerveillement, le goût de la beauté… Comprendre, cela équivaut à embrasser : c’est relier, tenir ensemble contre soi, sur son cœur, c’est connaître par le cœur.

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Le secret n’est pas ce à quoi nous parvenons au bout de la quête, mais ce dont nous partons. C’est à partir du secret que l’on a accès à l’univers… Prendre acte du secret des choses et des êtres, c’est découvrir que l’équilibre, voire l’harmonie du monde, d’un individu, vient non de leur solidité mais de leur légèreté. Le secret nous enseigne ce principe de légèreté. Le poids de la réalité, c’est celui de la buée, de la plume, du grain de poussière, de l’aile du papillon et, chez les hommes du sourire, du frisson et des larmes.

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Devant l’exhibitionnisme émotionnel, devant la pusillanime ostentation des gens qui se croient importants, l’élégance qui consiste à se taire, à patienter, est la seule sauvegarde. C’est bien-sûr une conduite de beauté, refusant tout laisser-aller langagier, gestuel ou vestimentaire ; c’est aussi façon de rendre grâce à la beauté qui survit à tout et qui demeure la seule étoile dans un paysage brouillé.

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Le secret illumine le monde… Privés de la lumière du secret, les hommes s’en tiennent à leurs yeux de chair, ils croient ce qu’ils voient et vivent dans un monde sans profondeur, sans surprise et sans grâce.

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D’abord on cherche le sens des choses, on veut percer les secrets de la Nature, de l’homme. Puis vient non la lassitude mais l’écoute, l’attentive patience – le commencement de la sagesse. Dès lors le sens s’évapore, il ne pèse plus face au mystère sans fond et sans explication. Ce sens des choses si fiévreusement scruté fait place à la beauté des choses, une beauté tranquille, incompréhensible, presque stupéfiante dans son innocente, dans sa gratuité. L’homme qui cherchait, l’homme qui voulait savoir devient un homme éperdu : désormais la louange et la contemplation emplissent son cœur et toute sa vie.

Dans le domaine de la connaissance spirituelle, que l’on appelle aussi connaissance du cœur, il existe des affinités entre le silence, le secret et le désir. Ces trois dimensions représenteraient les clés de la liberté pour un être humain.

Jacqueline Kelen dans La puissance du cœur

Une pièce musicale O Quam Mirabilis (Hildegard) performed by Andrea Zomorodian, soprano