Petits arrangements entre amis

En s’ingéniant à être conscient d’être conscient, le chercheur nage en pleine dualité. En ajoutant la conscience moi à cette conscience première, si j’ose dire, il crée lui-même cette impression de dualité. Or, comme nous venons de le voir, c’est déjà là avant toute pratique, c’est déjà là avant même qu’émerge la pensée ou l’idée « Je vais me mettre à pratiquer ». Le sentiment moi apparaît et disparaît. Cette conscience n’apparaît jamais, car elle a toujours été là avant toute apparition.

Mais alors, vous allez me dire : « Oui Franck, c’est très bien tout ça, mais à partir de là, moi, je fais quoi ? » Pour ça, essayons une nouvelle fois de ne pas être …

C’est là, n’est-ce pas ? Tout comme le ciel bleu, il y a cet arrière-plan qui EST, nous disant « J’ai toujours été là ».

Si cette présence est très tranquille et ne demande rien à personne, il n’y a aucune raison de vouloir rajouter la nôtre. Le moi chercheur, devant ce simple état de fait, s’arrête et n’intervient pas. Si je n’interviens pas, si je laisse cette conscience bien tranquille, cette impression de dualité disparaît. Un « un » se soustrait du « deux », c’est donc deux moins un, il ne reste qu’unité (comme le disait si bien Yvan Amar). Là où il y avait conscience consciente, il ne reste donc que conscience. N’ayant au sein de l’unité aucune place pour « deux », cette conscience est ce que vous êtes mais sans un moi pour être dedans. Cette conscience est donc non consciente d’elle-même jusqu’à ce qu’un chercheur vienne foutre la pagaille. Lorsque l’extinction, que d’autres appellent « éveil », se produit, il nous est désormais impossible d’être conscient d’être conscient puisqu’il ne reste que conscience pure et simple. C’est pour cette raison que je ne parle pas d’éveil mais d’extinction.

Si je devais définir cette extinction que d’autres appellent éveil, je dirais qu’elle révèle un quelque chose en moins qui donnait l’impression de devoir rajouter un quelque chose en plus. Jean Klein disait : « C’est derrière votre absence que se trouve votre véritable présence. » Jean disait aussi : « L’illumination, c’est voir qu’il n’y a personne à illuminer. » Le sentiment moi n’a donc rien à voir avec ça et s’il n’a rien à y voir, tout travail, tout effort déployé par ce moi est hors sujet et totalement à côté de la plaque.

Voyez-vous, le « Je » que j’emploie plus haut dans le texte en disant : « Si je n’interviens pas. » Ce « Je » résonne désormais comme un « il », comme si je disais : « Si lui, il n’intervient pas. » Surtout, ne voyez pas derrière tout ça une attitude témoin, car le moi s’empresserait de vouloir s’y exercer et recréerait à nouveau cette impression de dualité. Or, comme nous l’avons vu, il n’y a pas à être témoin puisque c’est déjà en train de regarder.

Faisant appel à de grands maîtres tels que Nisargadatta Maharaj et Douglas Harding, l’auteur propose des exercices pour prendre conscience d’une présence tranquille et passer du mode discursif au mode perceptif.

Franck Terreaux dans Mon ego et moi – Petits arrangements entre amis

Une pièce musicale de Rémi Geffroy – Homéostasie (mazurka)