Avec résilience

Ce qui plonge dans le découragement, c’est l’immobilisme, l’impossibilité d’inscrire la vie dans une dynamique et l’impression de se retrouver face à un mur.

Découragement et désespoir proviennent aussi de ce sentiment d’impuissance quand aucune issue ne peut être entrevue. Soudain rien n’a de sens… La sagesse sait faire feu de tout bois et intégrer dans une dynamique échecs, tracasseries, tourments et peut-être même trahisons et douleurs. Ici, il n’est pas inutile de distinguer l’espérance de l’espoir. Ce dernier me semble borné, limité, focalisé sur un objet précis : « J’espère gagner au Loto. » Je me lève chaque matin, les yeux braqués sur cet objectif, le reste du monde n’existe pas ; je veux décrocher le jackpot, trouver un bon boulot, rencontrer une femme ou un homme, acheter une belle bagnole, que sais-je. L’espérance, la confiance, tient d’une disponibilité intérieure, d’une ouverture. C’est elle qui donne le cran à Etty Hillesum de dire au milieu des camps de concentration, quoi qu’il arrive : « J’aurai la force. » L’espoir s’accroche à une sécurité, l’espérance nous plonge dans la confiance et l’abandon. Elle ne se cramponne pas au bonheur sur-mesure, mais nourrit la conviction que l’existence autorise toujours des occasions de joie et de progrès…

Alexandre Jollien

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Face à des personnes désespérées, il faut rester très humble et ne pas prétendre avoir réponse à tout. Parfois une simple présence bienveillante est ce que l’on peut offrir de mieux. Si les circonstances s’y prêtent, on peut rappeler que, quelle que soit la magnitude du désespoir, il y a toujours en nous un potentiel de changement. Si la personne semble réceptive à cette idée, on peut aussi suggérer qu’il y a toujours quelque chose au plus profond de nous qui n’est pas touché par le désespoir, cette « présence éveillée » dont j’ai parlé précédemment. Il est clair que la détresse et la souffrance ne vont pas s’évanouir d’un seul coup, mais en reconnaissant un espace de paix au cœur de nous-mêmes, nous pouvons laisser cet espace prendre peu à peu de l’ampleur. On peut aussi suggérer à la personne d’évoquer les moments paisibles qu’elle a connu dans sa vie. Ces évocations vont l’aider à se rappeler que cette paix est une réelle possibilité. L’important est de ne pas se laisser définir par son état mental et de ne pas s’identifier au désespoir. On ne va pas chez le médecin en déclarant : « Docteur, je suis la grippe. » Or, nous ne sommes pas plus le désespoir que nous ne sommes la grippe. C’est un mal qui nous affecte et auquel nous pouvons remédier…

Matthieu Ricard

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Les recherches en neurosciences montrent que nous apprenons sans cesse : chaque moment, chaque action, chaque interaction sont l’occasion pour notre cerveau de se développer d’une certaine façon, de tracer des « voies neurales », des chemins mentaux qui, s’ils sont régulièrement empruntés et pratiqués, deviendront des autoroutes pour nos pensées et nos émotions. Une question importante s’impose donc : quelles nourritures quotidiennes donnons-nous à notre cerveau, au travers de toutes nos activités ? Notre esprit s’entraine tout seul, tout le temps, à notre insu : et il se nourrit de ce que nous lui offrons par les objets sur lesquels nous portons notre attention, par l’environnement dans lequel nous l’immergeons avec nous.

Christophe André

Christophe André (1956) est médecin psychiatre dans le service Hospitalo-Universitaire de l’hôpital Sainte-Anne à Paris, spécialiste de la psychologie positive.  Matthieu Ricard (1946) est un moine bouddhiste, photographe et auteur. Alexandre Jollien (1975), handicapé de naissance (suite à son étranglement par cordon ombilical à sa naissance, il est atteint d’athétose), est philosophe et conférencier.

Christophe André – Alexandre Jollien – Matthieu Ricard dans À nous la liberté !

Une pièce musicale de Alexandra Stréliski – Umbra