Comment s’ouvrir

D’un côté, il y avait cette vision conventionnelle que j’avais toujours eue de moi-même : une personne qui ne pouvait avoir de l’amour dans sa vie que si quelqu’un d’autre lui en donnait, un peu comme si l’amour était un colis aux mains d’un livreur tout-puissant qui, s’il changeait d’avis et rebroussait chemin devant ma porte, me laisserait totalement démunie, irrémédiablement incomplète, et privée de cet amour tant désiré.

De l’autre côté, se trouvait le reflet de celle que je soupçonnais d’être vraiment moi : une personne possédant au fond d’elle-même la capacité d’aimer quoiqu’il arrive et quel que soit celle ou celui qui se trouve devant elle ; une personne en mesure d’accéder à l’amour mis en lumière ou à l’épreuve par l’autre, mais ne pouvant en aucun cas être dotée ou privée de cette faculté par quiconque. J’ai emprunté le second chemin.

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Je considère cet amour vrai comme la plus fondamentale de toutes nos facultés innées, un pouvoir indestructible, quelles que soient les épreuves qui nous attendent ou celles que nous avons traversées. Elle peut être enfouie, obscurcie, difficile à atteindre, ou sembler peu digne de foi, mais elle est toujours présente.

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Je suis convaincue qu’il n’existe qu’une seule forme d’amour : l’amour véritable, qui s’efforce de s’exprimer en nous malgré nos certitudes réductrices, nos distorsions culturelles et toutes ces habitudes fondées sur la peur, le mécontentement de soi et l’isolement que nous avons tendance à développer à mesure que nous avançons dans la vie. Chacun de nous est capable de faire l’expérience de l’amour véritable. À partir du moment où nous l’abordons avec cette ouverture, il devient possible de trouver l’amour dans les moments de rencontre les plus banals : avec le caissier du supermarché, un enfant, un animal domestique, la nature en forêt – et à l’intérieur de nous.

L’amour véritable apparaît quand on se reconnaît pleinement vivant et complet en dépit de ses blessures, de ses craintes ou de sa solitude. C’est un état dans lequel on s’autorise à être vu en pleine lumière par soi-même et par les autres tout en offrant l’éclat de son propre regard au monde environnant. C’est un amour qui guérit.

Sharon Salzberg dans Comment s’ouvrir à l’amour véritable – Apprendre à aimer, apprendre à s’aimer

Une pièce musicale de Mathilde Calderini – Carmen Fantasy – Bizet/Borne