Le chemin des nuages blancs

ImAGE s'élever

Cette liberté ne consiste pas à pouvoir faire « ce que l’on veut »; ce n’est pas non plus l’arbitraire ou l’obstination, ni la soif d’aventures, mais au contraire la faculté d’accepter avec l’esprit ouvert l’imprévu, l’inattendu de certaines situations de la vie, bonnes ou mauvaises; la faculté de s’adapter à une infinie variété de conditions sans perdre confiance dans le rapport étroit entre le monde intérieur et le monde extérieur…. ce qui fait la rivière, c’est le courant, la continuité de son mouvement.

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Pareil aux nuages d’été qui, en harmonie avec le firmament de la terre, vogue librement dans le ciel bleu d’un horizon à l’autre, porté par le souffle de l’atmosphère, de même le pèlerin s’abandonne au souffle de la vie plus vaste qui le conduit au-delà des plus lointains horizons vers un but déjà présent en lui, mais encore caché à sa vue.

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Si un brave paysan installe un mani-chö-khor (terme plus approprié que moulin à prières) dans un ruisseau ou un canal qui amène l’eau à son village et à ses champs afin que soient bénis l’eau et tous ceux qui en vivent – homme ou animal et jusqu’aux plus humbles créatures, jusqu’aux plantes – cet acte de foi sincère est aussi bon et valable que la bénédiction du prêtre chrétien qui transforme l’eau ordinaire en « eau bénite ». Et, qui plus est, le son de la petite cloche qui tinte à chaque tour rappelle à ceux qui l’entendent qu’ils doivent répéter intérieurement le mantra sacré.

Mais quelle est l’origine de la route qui tourne inlassablement ? « Mettre en mouvement la Roue du Dharma » (chö-kikhor-lo khor-ba) est une métaphore connue de chaque bouddhiste ; elle signifie « la mise en marche des forces de la Loi morale universelle », et lorsqu’il fait tourner le moulin à prières, le bouddhiste prend conscience de la loi suprême proclamée par le Bouddha lorsqu’il mit en mouvement la Roue du Dharma, il y a deux mille cinq cents ans. Il ne suffit pas pour le bouddhiste que cet acte ait été accompli une fois par l’Illuminé, il faut que chacun des êtres humains qui s’efforcent d’atteindre l’illumination répète cet acte créateur en le réalisant dans son propre esprit.

La valeur profonde et le parallélisme cosmique de ce symbole peuvent aisément être saisis si l’on se rend compte que la vie de l’univers tout entier dépend de la rotation, qu’il s’agisse des planètes ou des étoiles qui tournent sur elles-mêmes ou des planètes qui tournent autour d’un soleil central ou des mouvements similaires des atomes. Si la seule rotation d’une dynamo peut produire un courant électrique – phénomène parfaitement inexplicable – et si le retour constant de l’esprit humain sur un point donné de sa conscience peut produire une concentration telle qu’elle puisse conduire à des découvertes qui révolutionnent le monde ou à l’atteinte des degrés de l Parfaite Illumination, qu’y a-t-il d’extraordinaire dans la croyance tibétaine qui veut que les forces bénéfiques attirées et concentrées lors de la préparation du moulins à prières soient en quelque sorte retenus dans cette forme matérielle et puissent être réactivées et transmises par la mise en marche du moulin ?

Anagarika Govinda dans Le chemin des nuages blancs : Pèlerinages d’un moine bouddhiste au Tibet (1932 à 1949)

Une pièce musicale Tibetan Flute Music for Meditation par Amchok Gompo

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