Être un géant

Être un géant, le zen appelle cela avoir les pieds sur la terre et la tête dans le ciel. C’est devenir soi-même une montagne et se libérer des limites du connu. C’est devenir un océan de sagesse silencieuse. Ce n’est pas chose facile. Ceux qui ont cherché à acquérir cette force intérieure se sont souvent mis à l’écart des hommes ; ils ont construit leur retraite troglodyte, leur cabane au fond des bois, comme une chenille fait son cocon sous une branche pour mourir et devenir un papillon.

*

Le thé appelle la vision de cabanes, de montagnes et de déserts, de voyages et d’horizons lointains, de rencontres entre voyageurs. Dans la solitude, il incite à la réflexion, à la méditation et au souvenir. Même lorsque nous sommes seuls, les gestes rituels du thé nous relient aux autres hommes. Lorsque, près de la cabane, on fait chauffer l’eau sur la braise dans une bouilloire en fonte, le monde est vaste et sans limites.

*

Dans le zen, on ne dit pas les choses. Les choses elles-mêmes disent ce qu’elles sont. Comment ? Par le silence.

*

Les mutations profondes semblent parfois nécessiter le préliminaire d’un retour à l’informe, c’est la loi de la métamorphose. Cesser de se raser ou couper ses cheveux, se couvrir de vieux habits ou revêtir une robe de loques sont les signes d’une mort à l’ancienne image que l’on avait de soi-même et qu’on voulait donner aux autres. Loin de la société des hommes, pour un temps, on s’exonère de leur approbation. Sans le miroir du regard d’autrui, il est plus facile de changer. On est seul face à soi-même, disponible

Né à Paris, en 1949, Antoine Marcel quitte la Sorbonne pour effectuer de longs séjours en Afrique, aux États-Unis et au Moyen-Orient, avec une prédilection pour l’Asie, et particulièrement pour la Chine, où il séjourne régulièrement. Retiré quelque part dans les causses, au Sud de la France, à la façon des ermites-lettrés de la Chine ancienne, il consacre désormais son temps à l’étude, à l’écriture, à la méditation zen et à la marche. Auteur de Carnet chinois et Traité de la cabane solitaire. Il est aussi pépiniériste, créateur de bonsaï et de jardins d’influence extrême-orientale (en 2002). – Ancien scaphandrier.

Antoine Marcel dans Traité de la cabane solitaire

Une pièce musicale de Alexandra Stréliski, Julia Kotarba – Prelude in Lodz

Laisser un commentaire